Il est de retour au stand pour un peaufinage. Lui, c’est Oscar, le robot imaginé par trois ingénieurs dans le but de faciliter l’irrigation des légumes de plein champs. Après un test sur une parcelle de 10 hectares cet été, une révision s’impose. « Cela fait deux ans que nous travaillons sur la conception d’un robot autonome qui permet d’automatiser l’irrigation des légumes de plein champs, reconnaît Léon Guyard, un des trois fondateurs de la start-up. Si nous voulons qu’il se démocratise, nous devons résoudre les quelques problèmes informatiques, électroniques et mécaniques pour ensuite concevoir un deuxième robot plus rapidement et le lancer en production. » Ils se donnent un an pour y parvenir. En parallèle, les trois jeunes doivent obtenir une certification pour son utilisation autonome.
7h/ha consacrés à l’irrigation
Car créer un robot ça ne s’improvise pas. Cela fait deux années que les trois fils d’agriculteurs planchent sur ce prototype. C’est parti d’un constat économique réalisé dans la ferme du frère d’Henri Desesquelles, co-fondateur d’Osiris. « Entre 2019 et 2020, il a réalisé une étude technico-économique sur l’irrigation des pommes de terre, explique Léon Guyard. Au total, son frère consacre 7h/ha chaque année pour l’irrigation de ses pommes de terre et il faut 7,5l d’eau pour 150 grammes de frites, soit une portion de chez McDo. » Il fallait trouver une solution pour réduire d’une part la charge de travail et d’autre part la quantité d’eau.
Pour ces trois entrepreneurs, la solution se trouve dans la robotisation de ce poste en automatisant le chantier d’irrigation et en localisant les apports. Les voilà donc lancés à l’issue de leurs études, dans la conception d’un prototype de robot, baptisé Oscar. « Il a une base robotique avec un châssis équipé de quatre roues motrices et directionnelles, décrit Léon Guyard. Dessus est posé une bobine d’enrouleur avec un tuyau un peu plus fin qu’à l’habitude. Il est relié au forage d’un côté et à une rampe de l’autre. » Celle-ci permet d’apporter la bonne dose d’eau au plus près de la plante.
Robot d’irrigation: 20ha/jour
Guidé par la technologie RTK, le robot d’irrigation peut évoluer seul dans la parcelle à la vitesse de 20 hectares chaque jour au débit de 60m3/h. Il fait les demi-tours tout seul. « Nous utilisons la pression de l’eau pour créer de l’électricité et ainsi le rendre le plus autonome possible, annonce le co-fondateur. Pour le moment, Oscar consomme peu d’électricité. C’est l’équivalent de ce que consomme un aspirateur. Cela permet aussi à l’agriculteur de réduire la pression de l’eau et ainsi diminuer sa consommation d’énergie au forage de 20% en moyenne. »
Pour rendre ses apports modulables, le robot est équipé d’un capteur à l’avant qui détecte l’humidité du sol. Une caméra sur le robot sonde le stade de développement foliaire de la plante. Par ailleurs, l’agriculteur décide en amont de la dose à apporter selon sa conduite de cultures. En analysant ses données, le robot est capable d’apporter la dose d’eau suffisante à la butte près.
Autres utilisation
Mais les trois jeunes sensibles à l’écologie ne veulent pas en rester là. « Nous voulons aussi que notre robot soit utile lors de la fertilisation avec l’apport de digestat ou de lisier par exemple, précise le jeune. Puis ensuite se lancer dans la protection des cultures et pourquoi pas le désherbage fractionné et rationalisé. »
Dans le même principe, le robot ne doit pas se cantonner à la culture des pommes de terre. « Oscar doit être capable d’évoluer dans une parcelle de légumes, lance Léon Guyard. C’est pourquoi la rampe est modulable ainsi que l’écartement des roues. Nous y travaillons. »
Ce robot de cinq tonnes lorsqu’il est au début de la parcelle couvre une largeur de 16 buttes. « Pour intéresser les agriculteurs et éviter de tasser à un endroit différent des passages de tonneau, nous devons agrandir cette rampe, avoue-t-il. Des études sur le tassement du sol sont en cours avec Arvalis pour y parvenir. »
Robot d’irrigation, la prestation plutôt que la vente?
Après une fiabilisation du robot, les trois jeunes veulent lancer le développement d’Oscar dans les plaines. Pour cela, ils ont opté sur une prestation de services plutôt que la commercialisation du robot. « Notre objectif est que cette technologie coûte la même chose à l’agriculteur et qu’elle lui permette de réduire de 10% ses intrants ou de gagner 10% de rendement, lance Léon Guyard. À terme, en localisant encore davantage l’apport, nous espérons atteindre une économie de 30% d’eau. Pour cela, le robot doit être rentable et donc couvrir le plus de surfaces. D’où notre orientation vers la prestation de service. »
L’idée est de laisser le robot dans une parcelle pour la durée nécessaire des travaux. Apporter un peu d’eau avant la levée des carottes, fertiliser en épandant du digestat et assurer la période d’irrigation de pommes de terre est un exemple. « Cela évite aussi à l’agriculteur de financer l’achat d’un gros outil. Ils peuvent ainsi profiter d’un service de maintenance et de s’appuyer sur un service après-vente. »
Embauche et levée de fond
Pour permettre à ces jeunes entrepreneurs d’atteindre leurs objectifs, les moyens sont déployés. « Créer un prototype de cette taille demande beaucoup de temps et d’argent, reconnaît Léon Guyard. Nous avons eu des aides de la part de la Région Hauts-de-France, de la BPI et de l’Union Européenne par le programme AgROBOfood. Cela nous a permis d’embaucher une personne supplémentaire pour la robotique. »
D’ici l’année prochaine Osiris fera une levée de fond pour espérer embaucher d’autres personnes afin de réaliser des plans d’industrialisation. Car ces trois amis veulent avant tout rester concentrés sur la recherche et le développement de la robotique au service des agriculteurs.
Vidéo de présentation du robot d’irrigation Oscar
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