Est-ce que choisir un robot de traite oblige à faire une croix sur le pâturage ? «A l’arrivée des premiers robots, nous avons constaté un recul du pâturage dans ces exploitations, constate Pascal Le Cœur, responsable de la station expérimentale de Trévarez (Finistère). Or, le pâturage reste performant en terme de coûts. Pourquoi devoir choisir l’un ou l’autre?» Pour que les éleveurs qui ont des surfaces en herbe peu ou pas accessibles depuis la stabulation puissent quand même choisir la traite robotisée, la station de Trévarez a mis au point une installation mobile. Cette station, outil de recherche appliquée des chambres d’agriculture de Bretagne, est située au cœur du Finistère, dans une zone très herbagère mais où toutes les surfaces fourragères n’étaient pas accessibles depuis la stabulation.
Les vaches peuvent pâturer 20 ares autour des bâtiments mais 40 à 50 ares de plus sont disponibles sur un site distant de 4,5 km. «Pour continuer à donner un régime à base d’herbe pâturée exclusivement pendant 5 mois, nos vaches doivent aller sur le second site, explique Pascal Le Cœur. Le robot les suit.» Cette mobilité permet d’installer le robot en stabulation en hiver puis au cœur des parcelles d’herbe pendant la saison de pâturage. Depuis 2012, la station teste cette installation innovante.
2 h de démontage, 2 h d’installation
Pour rendre ce projet accessible à tous les éleveurs, l’équipe de Trévarez est partie de matériels de série, un robot Delaval VMS et des remorques existantes. « Nous avons choisi d’utiliser des châssis industriels, pas des prototypes, souligne Pascal Le Coeur. Le robot est installé sur une bétaillère Rolland, le tank sur une remorque légumière. » Sur la remorque du robot est aussi installée la « zone technique » avec un poste informatique, le stockage des produits de lavage, les installations électriques. Le tout habillé par des panneaux sandwich. Le pont de la remorque est abaissé pour faciliter l’accès des vaches. Le robot peut être relié à un silo d’aliments.En période hivernale, la remorque est installée dans la stabulation. Une dénivellation entre son aire de stationnement et l’aire d’attente permet aux vaches d’accéder de plain pied au robot.
Pendant le pâturage, la remorque est sur une aire bétonnée au milieu des parcelles d’herbe. Quand le robot est au champ, les contraintes de surveillance sont les mêmes qu’en bâtiment. L’équipe de Trévarez ne note pas de changement sur la fréquence de traite (1,8 traite par jour) selon l’endroit où est le robot, après quelques jours d’adaptation. La mobilité n’a pas d’impact sur la qualité du lait, ni sur les coûts d’entretien du robot. « Reste à voir si l’installation vieillit bien », reconnaît Pascal Le Cœur. La mobilité de l’installation de traite a représenté un investissement de 95 000 € : 40 000 pour les remorques et 55 000 pour la stabilisation de l’aire de traite au pâturage, le stockage des effluents et l’arrivée d’eau et d’électricité. La station a choisi d’investir 7 000 € en plus pour des chemins stabilisés et une aire d’attente sur caillebotis. Une porte de tri est aussi déplacée au pâturage pour gérer l’orientation des vaches vers les différents paddocks. Les aménagements pour la mobilité représentent certes un surcoût, en partie amorti par le faible coût alimentaire du pâturage. « De mai à octobre, nos vaches produisent du lait à un coût alimentaire de 15 € les 1 000 l, affiche Pascal Le Cœur.
Elles produisent moins qu’en système intensif en bâtiment, mais à un très bas coût. » Lors de ses portes ouvertes en septembre, la station de Trévarez a reçu de nombreux éleveurs intéressés par ce compromis robotisation et pâturage, comme les éleveurs de montagne intéressés pour les périodes d’estives. Après 3 ans d’essais, le travail se poursuit pour voir comment vieillit le robot et comment mieux gérer le pâturage avec trois paddocks pour optimiser la qualité de l’herbe.