« Pour le secteur agricole, nous espérons qu’elle sera bénéfique », déclarait ainsi début décembre Christiane Lambert, la présidente du syndicat majoritaire FNSEA, pour expliquer pourquoi les agriculteurs ne se joignaient pas au mouvement social contre la réforme des retraites.
Plus de 1,3 million de personnes
Début 2019, plus de 1,3 million de personnes (572.196 hommes et 744.585 femmes) bénéficiaient d’une pension au régime des non salariés agricoles de la Mutualité sociale agricole (MSA), pour moins de 450.000 actifs.
Les montants mensuels moyens pour les retraités ayant validé une carrière complète est de 953 euros pour les hommes et 852 euros pour les femmes, assure la caisse de retraite des agriculteurs. La réforme du gouvernement qui propose qu’un chef d’exploitation agricole ayant une carrière complète perçoive au moins 1.000 euros net de retraite en 2022, puis 85% du Smic à partir de 2025, permettra donc une hausse des revenus pour un bon nombre d’entre eux.
Hausse de cotisation et baisse de l’assiette
D’ailleurs, à part le Modef, syndicat minoritaire proche du parti communiste qui demande « le retrait pur et simple de la réforme » et « une retraite à 1.200 euros pour tous à 60 ans », le monde agricole estime qu’un régime universel sera un progrès. Bien sûr, le taux de cotisation va en contrepartie augmenter, passant de 21% aujourd’hui à 28%. « Mais la hausse de la cotisation va être compensée en partie par la baisse de l’assiette, elle ne sera que de 2,5 points », assure Robert Verger, chargé de la question des retraites à la FNSEA. Pour lui, « l’essentiel, c’est d’avoir une amélioration de la retraite, on n’a rien sans rien ».
Si certains syndicats saluent la réforme, il mettent toutefois plusieurs bémols. « Ce qu’on ne voudrait pas, c’est se marginaliser encore une fois. On a loupé le régime général lors de l’institution des lois sociales en 1945, on ne voudrait pas continuer à s’isoler du monde des travailleurs. Du coup, la logique, c’est de s’associer aux manifestations. Même si la grève pour nous, ça n’existe pas », explique André Tissot, de la Confédération paysanne.
« Les 1.000 (euros), c’est une escroquerie intellectuelle »
« Les 1.000 (euros), c’est une escroquerie intellectuelle », assure pour sa part Armand Paquereau de la Coordination rurale, pour qui cette mesure devrait être appliquée depuis longtemps: en décembre 2016, une proposition de loi avait déjà été déposée pour porter le niveau minimal des retraites agricoles de 75% à 85% du SMIC. Mais en mars 2018, le gouvernement a renvoyé l’application du texte après sa réforme des retraites, rappelle-t-il.
Par ailleurs, pour le statut de « conjoint collaborateur », traditionnellement réservé aux épouses travaillant sur l’exploitation, « comme il y a moins de cotisation, cela ne donnera pas ça », prévient M. Verger, qui explique que les retraites de ces femmes n’atteindront jamais les 1.000 euros. La FNSEA préconise qu’à l’avenir le statut soit calé sur le même minimum de cotisation que les autres, mais « la mesure n’est pas encore arbitrée », souligne M. Verger.
Pour le statut de « conjoint collaborateur »
« Dans le système actuel, les conjoints collaborateurs ont un sous-statut discriminatoire par rapport aux chefs d’exploitation. Il faut absolument qu’il disparaisse », estime de son côté M. Tissot. Toutefois, ce statut est en train de s’éroder selon M. Verger: « aujourd’hui on a 65% des conjoints collaborateurs qui ont plus de 50 ans ». La MSA ne comptait plus que 26.165 collaborateurs d’exploitation et 2.910 aides familiaux en 2018.
Au-delà des collaborateurs d’exploitation, si cette réforme améliore potentiellement le sort des futurs retraités agricoles, elle ne change rien à celui des 1,3 million de retraités actuels, ce dont s’inquiètent tous les syndicats.