« La tentative de coup de force du gouvernement pour imposer au Sénat, par un vote bloqué, une nouvelle rédaction qui, de fait, reporte sine die l’application de la proposition de loi adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, a, pour le moment, échoué », a déclaré, dans un rappel au règlement, Cécile Cukierman. « Le groupe CRCE a en effet décidé de reporter la suite de la discussion de cette proposition à son prochain espace réservé, le 16 mai prochain », a-t-elle annoncé. Elle a estimé que ce report ouvre une période utile « pour convaincre le gouvernement du bien-fondé du texte ».
Alors que l’Assemblée a voté à l’unanimité en faveur de ce texte il y a plus d’un an et que la commission des Affaires sociales du Sénat l’a adopté à l’unanimité aussi, le gouvernement a déposé un amendement repoussant à 2020 son application, au lieu de 2018, estimant que « l’amélioration des petites pensions agricoles ne peut être envisagée indépendamment des autres évolutions qui affectent notre système de retraites ». Pour faire passer son projet, il avait décidé de demander un vote bloqué, conformément à l’article 44-3 de la Constitution, c’est-à-dire que les sénateurs devaient se prononcer par un seul vote sur le texte, amendement du gouvernement compris.
Précédent dangereux
L’annonce de cette décision a mis le feu aux poudres sur tous les bancs du Sénat, le groupe CRCE demandant une réunion de la conférence des présidents « pour permettre au Sénat de riposter dans la plus large unanimité possible ».
Le président de la commission des lois, Philippe Bas (LR), a qualifié cette manœuvre sur un texte issu du Parlement de « précédent extrêmement dangereux », qui « augure mal de l’avenir de notre collaboration sur l’évolution du travail législatif », en faisant allusion à la réforme constitutionnelle.
« A peine le salon de l’Agriculture terminé, le gouvernement renie ses attentions envers les agriculteurs », a accusé pour sa part Marc Daunis (PS). Élisabeth Doineau (UC) a dénoncé un « mépris du monde agricole, mépris du travail parlementaire ».
« Nous sommes attachés à la liberté du Parlement et à la liberté d’amendement », a souligné Jean-Claude Requier, président du RDSE (à majorité radicale). « Je n’ai jamais vu utiliser la procédure du vote bloqué contre une proposition de loi ».
Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), a reconnu au micro de Public Sénat que la procédure du vote bloqué est constitutionnelle. « Mais il y a un problème de méthode: les sénateurs ont été informés 7 minutes avant le début de l’examen en commission que le gouvernement allait déposer cet amendement », a-t-il dit. « Est-ce que cela fait partie du respect entre le gouvernement et le Parlement? »
Pour sa part, la Confédération paysanne a dénoncé un « coup de force inadmissible » qui « témoigne du mépris du gouvernement pour les retraité(e)s agricoles concerné(e)s ».
« Le gouvernement est attentif aux petites retraites agricoles mais ne veut pas créer, ce soir, un nouvel impôt de 400 millions d’euros, sans cadre budgétaire », a justifié Christophe Castaner, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement.
La proposition de loi prévoit la revalorisation des retraites agricoles à 85% du Smic net pour une carrière complète de chef d’exploitation au 1er janvier 2018. Elle propose aussi des dispositions spéciales pour les outremers.