Depuis quelques années, la culture du chanvre revient au goût du jour en Ile-de-France. La filière s’organise pour offrir des débouchés variés à cette plante ancestrale: dans la construction automobile, l’alimentaire ou encore le cosmétique.
« La principale différence avec le cannabis est que le taux de THC est inférieur à 0,2%. On peut très bien le fumer. Ça ne fera aucun effet », avertit Eric Grange, directeur de Planète Chanvre, entreprise qui récolte et transforme la plante.
« Facile à cultiver », le chanvre a « un fort intérêt agronomique », explique Franck Barbier, agriculteur francilien et président de Planète Chanvre. « Une fois semée, la plante ne demande pas d’intervention humaine jusqu’à sa récolte. Aucun produit phytosanitaire n’est nécessaire. Pas besoin d’eau non plus et elle étouffe les mauvaises herbes. » Une plante qui se conduit comme un « aspirateur des sols ».
Ainsi, une culture de blé peut gagner « jusqu’à 10% de rendement » après le passage du chanvre, indique Rémi Baudouin, conseiller à la chambre d’agriculture d’Ile-de-France.
Ces arguments ont séduit près de 200 agriculteurs franciliens qui y consacrent 2.200 hectares, principalement en Seine-et-Marne et dans l’Essonne. La superficie a doublé en 8 ans, précise la chambre d’agriculture. Cette culture avait disparu des parcelles franciliennes jusqu’en 2008.
Tout est bon dans le chanvre
Le chanvre était autrefois utilisé pour les cordages. « On parle de Christophe Colomb et d’autres qui ont traversé les océans grâce au chanvre », raconte M. Grange. « Ensuite, le coton est arrivé et cette industrie a disparu. »
Désormais, les enjeux environnementaux poussent les grands industriels à se pencher à nouveau sur cette plante écologique qui pourra « faire vos jeans de demain », assure-t-il.
« Tout est bon dans le chanvre ». La graine appelée chènevis est riche en omégas 3 et 6. Elle a un goût de noisette et peut se consommer telle quelle. On retrouve aussi le chanvre sous forme de farine, d’huile et de crème cosmétique.
La fibre, partie extérieure de la tige du chanvre, est utilisée dans la papeterie, le textile ou encore la plasturgie. « On allège une voiture en réalisant l’intérieur de la porte en chanvre. Le véhicule sera moins consommateur en essence ou en diesel. C’est ce que recherchent aujourd’hui les grands de l’automobile », explique M. Grange, dont la société équipe des constructeurs allemands.
Béton de chanvre
La chènevotte, le cœur de la tige, permet de fabriquer du béton de chanvre lorsqu’on la mélange à la chaux. « Le procédé n’est pas nouveau. Au Moyen-Age, on l’utilisait pour réaliser les murs des maisons de maîtres », raconte Sébastien Burin, gérant d’une société spécialisée dans la construction en chanvre.
Le dernier projet du jeune trentenaire est la construction d’une école de 1.700 m2. « Ce n’est pas juste de la bricole dans un coin de campagne. On fait de gros bâtiments avec des procédés écologiques et respectueux de l’environnement », défend l’artisan. Sur son chantier aux airs de cuisine expérimentale, le béton de chanvre fabriqué sur place est projeté directement sur l’ossature en bois. En à peine quelques heures, trois murs sont érigés.
Le chanvre a sa carte à jouer en Ile-de-France. « Important bassin alimentaire et de construction », estime le conseiller agricole, Rémi Baudouin. Toutefois, les investissements sont lourds. La production coûte peu mais les outils de transformation sont élevés, notamment la ligne de défibrage qui permet de séparer les différentes parties du chanvre.
Il faut compter « 5-6 millions d’euros au démarrage. Le rendement reste faible par rapport à des cultures comme le blé ou le colza qui dominent le paysage francilien », précise M. Baudouin.
Pour la filière régionale, « le retour du chanvre répond aux attentes de la société ». Elle appelle les pouvoirs publics, les élus, les organismes d’aménagement urbain à « s’emparer de la question et imposer cet outil biosourcé dans les cahiers des charges des appels d’offres publics ».
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