Les reprises d’exploitations, coûtent de plus en plus. Les exploitations étant de plus en plus grandes, cela augmente le montant du capital à transmettre. Comment financer ce capital d’exploitation? Un agriculteur qui ne veut pas acheter le foncier a des solutions. Aujourd’hui, il y a une demande de gens qui veulent investir dans du foncier pour le louer. Les notaires le confirment. On considère en effet la terre comme une valeur refuge. Même si elle ne rapporte pas énormément, son prix est en hausse depuis plusieurs années. On rencontre de plus en plus d’investisseurs qui ne sont pas dans une logique de reprendre eux-mêmes le foncier pour l’exploiter.
Un capital d’exploitation de plus en plus lourd
On a réfléchi avec différents partenaires, à des solutions financières permettant de financer aussi le capital d’exploitation par des investisseurs. Aujourd’hui, un agriculteur qui reprend une exploitation finance pratiquement tout par l’emprunt. Il passe une bonne partie de sa vie professionnelle à rembourser cet emprunt. Or, s’il y avait un investisseur dans le capital d’exploitation, il ne paierait que des dividendes. Ceux-ci seraient d’un montant bien inférieur aux remboursement des emprunts. Cela dégagerait davantage de flux de trésorerie pour l’exploitant.
Certes, en fin de carrière, l’agriculteur ne serait pas propriétaire de son exploitation s’il n’a pas capitalisé. En revanche, il aura la possibilité de valoriser le surplus de flux de trésorerie dégagé tous les ans, selon ce qu’il souhaite. Cela peut répondre par exemple à des besoins privés plus importants quand le chef d’exploitation est jeune et qu’il a davantage de besoins de consommation en présence d’enfants.
Des fonds d’investissement dédiés
Peu d’exploitations font faillite. Donc le risque de défaut de paiement d’un investisseur dans l’activité agricole est faible. On a réfléchi à un système où des investisseurs pourraient se regrouper dans un fonds commun de placements dans plusieurs exploitations de manière à diviser les risques. Les souscripteurs pourraient être des particuliers, ou pourquoi pas des industriels de l’agro-industrie, ou de la distribution. On pourrait avoir comme dans les SICAV, des orientations par rapport au type de placement choisi (risque, développement durable…). Ces fonds pourraient être dédiés à tel ou tel type d’agriculture.
Les niveaux de rendement ne seraient pas forcément très élevés. Mais ils pourraient être complétés par un avantage fiscal, comme cela se fait dans certains secteurs, dans la mesure où l’exploitation pourrait le justifier. Par exemple par une dimension environnementale ou agroécologique. Les incitations complémentaires pourraient venir aussi de garanties apportées par le Trésor Public.
Ciblés sur plusieurs exploitations
Dans le nouveau schéma qu’on propose, l’investisseur n’entrerait pas directement dans le capital de l’exploitation de M. Durand ou Dupont, mais dans un fonds ciblé sur plusieurs exploitations. Il n’y a donc pas de lien direct avec une exploitation, ni de risque supposé de mécanisme d’intégration. Cela nous parait souhaitable, de manière à ce que le chef d’exploitation garde une totale capacité de gestion qui ne puisse pas être entravée par une personne privée, actionnaire de son entreprise.
Tout cela suppose de clarifier exactement le mandat de l’actionnaire. Il est nécessaire de définir un cadre contractuel entre le fonds d’investisseurs et les agriculteurs et que ceux-ci demeurent majoritaires dans le capital. Exemple d’engagement réciproque: si l’investissement est ciblé sur des exploitations bio, il faut pouvoir garantir que celles-ci puissent le rester durablement. Il sera nécessaire de prévoir aussi la gouvernance. Comment évalue-t-on également la valeur de la part, à l’achat? Et à la sortie? En fonction de l’agrandissement de l’exploitation? Dans une SCPI par exemple, on réalise des audits pour estimer la valeur du portefeuille d’actions…
Des investisseurs pour financer le capital d’exploitation: des freins psychologiques!
Il existe également des freins psychologiques dans cette formule, car l’agriculteur n’est plus propriétaire, même si on peut envisager qu’il puisse éventuellement racheter ultérieurement une part de son capital d’exploitation détenu par le fonds d’investissement. Souvent, les agriculteurs cherchent à payer peu de prélèvements obligatoires (cotisations sociales et impôts), moyennent quoi ils touchent ensuite de faibles montants de retraite. Ils comptent alors sur la revente de leur capital d’exploitation pour compenser leur faible pension.
Dans une logique où ils toucheraient davantage de trésorerie tous les mois, il serait pertinent qu’ils prennent des dispositions pour préparer leur retraite (ex: cotisation à une caisse de retraite complémentaire ou réalisation de placements de type PER) à partir de leur milieu de carrière.
Article paru dans le dossier « La transmission, un sujet capital » du numéro Entraid’ de Juillet 2022.
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