Pouvoir ajuster facilement la largeur du rang, bénéficier de la coupure rang par rang, avoir accès à des technologies telles que le détecteur de manques, la distribution électrique, la modulation de dos, etc. Autant d’avancées high-tech que proposent désormais les constructeurs de semoir monograine haut de gamme, mais qui ont forcément un coût!
Pierre Lapeyre, animateur à la fédération des cuma des Landes-Béarn-Pays Basque, nous partage les expériences des cuma de sa région.
Y a-t-il beaucoup de groupes qui disposent aujourd’hui de semoirs technologiquement perfectionnés?
Oui. À la faveur notamment des dispositifs d’aides tels que le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations (PCAE) et le plan de relance gouvernemental. Avec des taux de subvention jusqu’à 50% du prix, cela a influencé les décisions d’achat en faveur de ces semoirs plus sophistiqués. Mais sans subventions, je ne pense pas qu’il y aurait eu moins d’investissements dans ces matériels.
En moyenne, quelle est la différence de prix entre un semoir monograine toutes options et un semoir de conception classique?
Les semoirs conventionnels monograine 6 rangs achetés en cuma avec un écartement inter-rangs de 60 à 80cm se situent dans une fourchette de prix entre 35.000 et 40.000€. Le prix d’un semoir monograine haut de gamme, pourvus des dernières technologies, s’inscrit plutôt dans une fourchette de 60.000 à 70.000€.
Quelles sont les motivations principales des groupes pour s’équiper d’un semoir monograine haut de gamme?
D’abord, atteindre des débits de chantiers accélérés avec des semoirs rapides, tout en ayant une bonne régularité. Avec des semoirs monograine rapides, tel que le Väderstad Tempo, achetés dans certaines de nos cuma, la vitesse de semis va passer de 6-7km/h à 10-12km/h, voire plus. Toutefois, pour atteindre ce débit de chantier, le tracteur devra être connecté au RTK.
L’autre tendance est la facilité de réglage des largeurs de rangs. Alors que dans notre région les systèmes d’exploitations autrefois en monoculture de maïs intègrent de plus en plus de nouvelles cultures, il peut être intéressant de disposer d’un semoir facilement modulable. Cela permet d’implanter tour à tour du maïs, soja, tournesol ou colza avec des écartements de rangs différents. Certains types de semoirs 6 rangs disposent par exemple d’un septième élément semeur amovible, utilisé en fonction de l’écartement choisi.
Les nouveaux modèles tels que les semoirs Amazone Precea en fonctionnement dans certaines cuma landaises nécessitent par exemple très peu de temps de réglage pour passer de 80cm à 45cm de largeur de rang. Alors qu’avec un système de réglage manuel, il faut compter 1h30 à 2h pour changer de configuration.
En revanche, on voit encore très peu de semoirs avec l’option de modulation de doses. Cela concerne exclusivement les agriculteurs intégrés dans une démarche d’agriculture de précision tracée, qui peuvent tirer profit de la connaissance précise des sols, et des cartographies de rendements pour moduler en conséquence les doses d’intrants. Enfin, on commence à voir des semoirs équipés de coupures de rangs qui génèrent des économies de doses de semences.
Comment raisonner le surcoût d’une semoir haut de gamme?
Le facteur prix peut bloquer les projets d’investissement. En majorité, les cuma sont très attentives à ne pas dépasser le seuil psychologique de 30€/ha de coût du semoir. Sachant qu’une proportion importante de cuma est située dans une fourchette de 20 à 25€/ha.
En Chalosse (région naturelle au sud du département des Landes), une cuma qui précédemment disposait de deux semoirs classiques Monosem 6 rangs pour 350ha est passée en 2015 à un seul semoir Väderstad Tempo sur la même surface. Elle a misé sur un débit de chantier supérieur. C’était un pari osé mais un pari gagné qui a permis de ne pas augmenter le coût facturé.
Toutefois, il faut être vigilant car les « fenêtres de tir » pour semer sont de plus en plus courtes. D’autant plus qu’une partie des agriculteurs décident de semer tôt pour éviter les épisodes ultérieurs de stress hydrique. En parallèle, quelques groupes équipés de deux semoirs conventionnels ont prudemment remplacé l’un des deux par un autre plus perfectionné, tout en gardant le second. C’est une manière de minimiser les risques.
D’autre part, en diversifiant les cultures implantées avec un même semoir, on peut espérer aussi augmenter les surfaces totales semées en profitant des décalages plus ou moins grands des périodes de semis. Ce qui dilue également le coût de revient sur une plus grande surface.
Comment voyez-vous le développement de ces semoirs dans les cuma?
Pour tirer pleinement projet de ces semoirs, il faut à mon avis repenser les chantiers de semis de manière à éviter les temps morts et atteindre une bonne productivité. Les adhérents doivent bien sûr assurer le travail du sol préalable et l’approvisionnement en semences et en engrais le jour du semis.
Autre point: on n’a pas encore beaucoup de recul sur le vieillissement des éléments électroniques. Y aura-t-il des frais importants après 6-8 ans nécessitant 6.000 à 7.000€ de frais de remise en état par exemple? Enfin, en fonction de l’évolution des cours des productions actuellement très favorables, les agriculteurs et les cuma seront plus ou moins enclins à investir dans ces équipements plus sophistiqués, mais aussi plus coûteux.
Quel levier pour amortir un semoir monograine haut de gamme?
Le retour sur investissement dans un semoir haut de gamme est à appréhender sous plusieurs angles en fonction des options.
Semoir haut de gamme 6 rangs avec options: pertinent à partir de 225 hectares
L’écart de prix entre un semoir monograine 6 rangs entrée de gamme et un semoir haut de gamme bien équipé peut atteindre 41% selon les marques, chiffre le réseau cuma. Pour amortir ce surcoût, il est nécessaire d’aligner une surface supérieure.
L’analyse du coût de revient d’un semoir 6 rangs de base (prix d’achat moyen de 25.000€) et d’un semoir bien équipé (prix moyen 30.120€) acheté en cuma entre 2013 et 2019 permet d’évaluer l’incidence du surcoût lié à ces options. Il apparaît ainsi que l’investissement dans les options pour un semoir 6 rangs n’est pertinent qu’à partir de 225ha/an. Au-dessous, le coût de revient dépasse largement le seuil de rentabilité qu’on estime à 25€/ha. Au-dessus de ce seuil, l’écart se réduit.
À noter: sur un échantillon de 96 semoirs, achetés entre 2019 et 2020, 25% des semoirs les plus chers (35.324€) font en moyenne 300ha/an pour un coût de revient de 18,8€/ha. Soit à peu près le même coût de revient que les 25% les moins chers (26.715€) qui sèment 224ha/an et qui reviennent à 18,3€/ha.
Source : réseau cuma Est, fncuma, chambre d’agriculture de l’Yonne.
Modulation et coupure de section: «potentiellement» rentables
Lors de la dernière édition du salon aux champs, le Groupe D’Aucy a réalisé une étude sur la rentabilité des coupures de sections et de la modulation sur des semoirs à maïs.
Données utilisées pour les calculs:
- Durée amortissement: 7 ans.
- Valeur de reprise après 7 ans: 35% de la valeur neuve.
- Frais financiers: Agilor à 1,3%.
- Frais d’entretien: 2€/ha.
- Économie d’intrants apportés par la coupure de section: 3,5%.
- Marge apportée par la modulation: 20€/ha (conseil et fichiers de modulation compris, mécanisation non prise en compte).
Le service Agronomie du Groupe D’Aucy analyse les conditions de rentabilité des semoirs équipés de coupures par rangs en ces termes: «La coupure rang par rang permet une économie de semences comprise entre 1 et 6% en fonction de la forme et de la taille de la parcelle. Dans l’hypothèse d’une économie de semences de 3,5%, cela représente 6€/ha. Ce qui permet au semoir Isobus avec coupure de rang, d’être plus rentable que le semoir mécanique à partir de 180ha semés par an dans l’exemple présenté au dernier salon aux champs.
Si le tracteur est déjà équipé d’un GPS et d’une console Isobus, avec la coupure de section activée, le semoir Isobus devient plus rentable des 100ha semés par an. Sur la base de nos résultats d’essais, la modulation permet un gain de marge de l’ordre de 20€/ha (coût du service compris). Ce qui permet au semoir combinant coupure de section et modulation d’être plus rentable que le semoir mécanique dans toutes les situations étudiées (calcul théorique en affectant toute la marge modulation au semoir).»
Source: Service Agronomie du Groupe d’Aucy
Enfin, à lire dans le dossier des semoirs monograine aux Rayons X:
3 questions à se poser pour bien choisir son semoir monograine.