Le partage des responsabilités, tout comme le renouvellement des responsables, demeure dans nombre de cuma, une question récurrente. Nombreux sont souvent les membres d’un bureau, à commencer par le président et le trésorier, postes-clés, en place depuis de nombreuses années, qui peinent, en le regrettant, à trouver des volontaires disposés à les remplacer. Une situation qui entraîne parfois un sentiment de lassitude, du fait des éventuels problèmes à régler, fonctionnels autant que relationnels, et de la dimension souvent chronophage d’une charge de travail s’ajoutant à celle du quotidien des exploitations.
La cuma de Montaut, dans la plaine et les premières collines ariégeoises, a résolu cette question. D’une manière originale autant que radicale. Depuis maintenant six ans, la cuma a mis en effet en place un «bureau tournant». Le principe est simple concernant le renouvellement des responsables: tous les trois ans, le bureau au complet est automatiquement renouvelé, président, trésorier et secrétaire devant laisser la place.
Responsabiliser les adhérents
Un système issu de la nécessité de débloquer une situation qui menaçait de perdurer, explique Pierre Déjean, le relativement jeune président, fonction qu’il occupe depuis le récent renouvellement des responsables, au début de l’été dernier. «L’ancienne génération, qui formait le bureau, dont mon père longtemps président, approchait de la retraite et peinait à trouver des remplaçants. L’arrivée d’une nouvelle génération, avec des installations le plus souvent dans le cadre familial, a été l’occasion de mettre en place et de formaliser ce système de rotation.»
A la base de celui-ci, outre le fait de se trouver décharger des contraintes de ces fonctions, la volonté d’impliquer plus largement l’ensemble des adhérents dans le fonctionnement de la cuma et son devenir. Si globalement la gestion, et l’entretien, du matériel, avec un responsable par outil chargé aussi de la garde de celui-ci, la cuma ne disposant pas de hangar, ne posait pas trop de problème, le règlement en temps voulu des factures pouvait parfois être sujet à quelques aléas. «Le fait d’assumer un temps donné des fonctions administratives au sein d’un bureau était censé contribuer à une prise de conscience et une plus grande responsabilisation des adhérents», indique Frédéric Ménard, trésorier dans le précédent bureau.
Un principe qui semble avoir fait la preuve de son efficacité. «Nous avions essayé auparavant de mettre en place un système de pénalités mais cela n’a pas vraiment marché. Aujourd’hui, même si nous sommes encore confrontés de la part de certains à un ‘étalement’ des paiements, avec plusieurs règlements partiels après l’envoi des factures, en début d’année, personne ne fait totalement défaut…»
Frédéric Ménard est resté en place jusqu’à la prochaine fixation des prix en décembre ou janvier, afin d’assurer la transition avec son successeur. Un principe qui prévaut pour tous les postes du bureau. Ainsi le président est assisté d’un président-adjoint, le secrétaire d’un secrétaire-adjoint…
Une transition nécessaire
Un système, lui aussi clairement formalisé, souligne Pierre Déjean: «En fait chaque adjoint ‘monte’ en prenant la succession de la personne qui occupait le poste. Le président-adjoint devient président, le trésorier-adjoint trésorier, etc.» Un terme, adjoint, préféré à celui de vice-président ou autre car il marque la volonté de partager concrètement avec le titulaire les charges et obligations de la fonction. «Une manière, en quelque sorte, d’assurer une formation empirique et en temps réel afin que le futur responsable puisse être directement opérationnel lors de sa prise de fonction.» Et, simultanément, un autre adhérent est nommé adjoint en remplacement de la personne devenue titulaire. Les choses se passent-elles toujours aussi simplement? « Le principe adopté est celui du volontariat ce qui est, en règle générale, bien accepté, d’autant que la décision, au départ, était collective. L’idée étant que l’ensemble des adhérents puisse tourner et être un moment ou l’autre en responsabilité dans le bureau. Mais le regard des autres peut aussi aider à renforcer la conviction. »
Florian Andrieu, nouveau trésorier, doit donc prendre ses fonctions d’ici un mois ou deux. Tout système méritant des exceptions, Florian n’assistait pas auparavant Frédéric Ménard en tant que trésorier-adjoint. «J’ai sauté cet échelon car la personne qui l’occupait, pour des raisons qui lui sont propres, ne souhaitait pas devenir trésorier mais il continuera alors en tant qu’adjoint.» Florian reconnaît que la période de transition lui est, dans ce cas, plus particulièrement nécessaire. «J’ai accepté à condition de ne pas être bombardé à ce poste un peu complexe et souvent délicat sans accompagnement.» Celui de Frédéric lui sera particulièrement utile. «Nous allons mettre à profit cette période pour voir ensemble l’ensemble des questions auxquelles je vais me trouver confronté.»
Si, aujourd’hui, la cuma de Montaut avec ses 25 adhérents répartis sur cinq ou six communes est particulièrement saine, sans le moindre déficit depuis des années et un fonctionnement «qui roule», c’est pour une bonne part à son système de «bureau tournant» qu’elle le doit.
Les adhérents «extérieurs», un cas particulier
La cuma de Montaut compte aussi dans ses rangs quelques adhérents de cuma voisines. C’est le cas de Patrice Garrigue qui est aussi président de la cuma de Mauzac. Une «micro-cuma» de cinq ou six adhérents. «La cuma a vu ses effectifs fondre au gré des départs à la retraite, mais le groupe a toujours voulu conserver son autonomie. Pour le moment, une éventuelle fusion n’a pas été envisagée.» D’autant que la cuma de Mauzac possède des matériels dont ne dispose pas celle de Montaut: moissonneuse-batteuse, épareuse, plus un pulvé.
«Il est évident, compte-tenu de notre taille, que la question du renouvellement des responsables ne se pose pas», s’amuse Patrice. «Quasiment tout le monde a une fonction, trésorier, secrétaire, administrateur. Du moins sur le papier même si, dans les faits, c’est moi, vu le niveau d’activité, qui m’occupe pratiquement de tout.» Une situation particulière qui justifie en substance le fait que Patrice soit lui aussi «exempté» du principe de responsabilité tournante dans la cuma de Montaut.
Article extrait du numéro spécial Entraid’ Haute-Garonne/Ariège – décembre 2019.