La procureure Sandrine Ballanger a conclu son réquisitoire en soulignant qu' »il n’y a aucune certitude sur le lien de causalité entre les épandages et les malaises ». « Le doute doit donc profiter aux prévenus », a-t-elle estimé avant de demander à demi-mots « plutôt une relaxe » pour les châteaux Escalette de Barbe et Castel la Rose.
Le tribunal correctionnel rendra sa décision le 30 avril à 13h30.
Les deux domaines d’appellation côtes-de-Bourg comparaissaient en tant que personnes morales pour « utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques ».
Le 5 mai 2014 à l’école primaire de Villeneuve-de-Blaye (Gironde), « beaucoup de gens se sont sentis mal, la maîtresse a eu un malaise, on avait mal à la tête, à la gorge, on avait les yeux qui piquaient », a raconté la jeune Maélia.
Le tribunal a visionné le témoignage de cette élève diffusé à l’époque sur France 3 à la demande de Me François Ruffié, avocat de la Sepanso (association de protection de la nature), partie civile au côté d’une autre association écologiste, Générations Futures.
L’école de Villeneuve est située tout près des parcelles des deux châteaux qui avaient été traitées ce 5 mai 2014, avec des produits certes autorisés, mais potentiellement toxiques.
Castel La Rose, en agriculture conventionnelle, avait utilisé les fongicides Eperon et Pepper. Quant à Escalette, en « bio », il avait épandu de la bouillie bordelaise, de l’Héliocuivre et de l’Héliosoufre S.
« Une forme d’omerta »
Me Ruffié a admis « que l’on ne peut évidemment pas faire de vin sans traiter la vigne ». Dans cette affaire, a-t-il dit, « la Sepanso ne poursuit pas la viticulture, mais ses excès ».
Puis l’avocat de s’étonner de « l’absence des parents » à l’audience, en expliquant que Catherine Verges, exploitant de Castel la Rose, absente elle aussi, « est la maire » de Villeneuve.
Me Michel Gradat vient au secours de sa cliente: « si les électeurs ont reconduit Mme Verges à la mairie (de Villeneuve) c’est donc qu’ils ne la considèrent pas comme une empoisonneuse locale ».
Mais Me Ruffié ne désarme pas : « Parmi les parents, souligne-t-il, il y a des ouvriers et des techniciens agricoles. Il y a donc dans cette affaire une forme de chappe, d’omerta, qui fait que les gens ont peur ». « Toute l’économie de Villeneuve dépend très fortement de l’économie vinicole », insiste-t-il.
Pour lui, « c’est une affaire importante qui concerne la santé de nos enfants, qui vaut bien un procès ». Puis de rappeler l’hospitalisation de l’institutrice ce 5 mai 2014, et la « longue liste » des « céphalées » et autres « irritations de la gorge et des yeux ressenties par la très grande majorité de ses élèves ».
« Et quand on lit les fiches-produits des fongicides utilisés ce jour là, on a peur », assène-t-il encore.
Pour la partie adverse, Me Sophie Clavel assure que son client, le château Escalette, « s’est strictement conformé à la règlementation ».
« Toute cette affaire n’est qu’un prétexte pour la Sepanso et Générations Futures pour sensibiliser l’opinion sur la question des pesticides ».
Dans ce dossier, elle ne relève que « des incertitudes, uniquement des incertitudes ». Comme le ministère public, l’avocate de la viticulture note l’absence d’éléments de preuve et regrette qu’il n’ait été procédé à aucun prélèvement sur les parcelles ou dans l’école, le 5 mai 2014.
Elle rappelle au passage que les écoles sont régulièrement javellisées, et que les enfants avaient subi des traitements anti-poux le jour des épandages et la veille. « Alors pourquoi ces produits-là ne sont-ils pas incriminés? »