« Moins de phytos là où on recourt à la cuma »

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« Moins de phytos là où on recourt à la cuma »

L'utilisation des pesticides réduit de 7,28 % en moyenne lorsqu'on passe d'une zone sans adhérent à une zone ayant en moyenne 104 membres, où une cuma est présente.

Simon Cornée fait partie de l’équipe de chercheurs de l’Université de Rennes qui a examiné au niveau territorial le lien entre présence de cuma et baisse de phytos. Rencontre.

Simon Cornée explique la réduction des pesticides en cuma. Un sujet qui fait l’objet d’une publication scientifique.

Quels sont les principaux résultats de ce travail ?

SC : En résumé, l’utilisation des pesticides baisse en moyenne de 7,28% en passant d’une zone (un code postal) sans adhérent, à une zone ayant en moyenne 104 membres (la moyenne là, il existe au moins une cuma).

En outre, le partage d’équipements conventionnels ne conduit à aucune réduction, contrairement à la mutualisation d’équipements « agroécologiques ». Ces résultats sont issus d’un travail théorique et statistique de grande ampleur réalisé avec mes collègues Damien Rousselière et Véronique Thelen de l’Université de Rennes et de l’Institut Agro Rennes Angers, projet de recherche 2IDCUMA.

Nous avons mis en relation des données publiques sur l’achat de pesticides avec les données du réseau cuma. L’objectif était de tester, sur chaque unité spatiale, la corrélation entre l’utilisation des pesticides et la densité d’adhérents, le nombre de matériels, dont ceux à visée agroécologique. Il s’agit d’un effet moyen général, et il y a une forte hétérogénéité spatiale. Certains territoires « s’en sortent mieux » que d’autres. Nos recherches visent à comprendre ces variations, liées par exemple au réseau fédératif des cuma.

Quelles hypothèses avez-vous testé ?

Nous sommes partis de ce principe simple : les agriculteurs, comme tout individu, prennent des décisions économiques en fonction de leurs interactions sociales. Nous avons donc testé deux hypothèses :

  • Le rapport entre utilisation de phytos sur un territoire et le nombre de cumistes présents sur cette zone ;
  • Le degré d’utilisation des matériels de la cuma, notamment ceux liés aux pratiques agroécologiques, rapporté à ce même critère d’utilisation de phyto.

Avez-vous rencontré des obstacles ?

Non, mais cela a été un travail de longue haleine. La fédération nationale des cuma a fourni un effort important pour nous transmettre les chiffres dont nous avions besoin, à un format qui réponde à nos demandes. Elle a mis à notre disposition une base de données couvrant 5 793 cuma, soit 64 % des coopératives répertoriées au niveau national.

Nous sommes particulièrement heureux de la publication de ces résultats dans Ecological Economics, une revue scientifique, internationale, reconnue et exigeante (cf : The environmental benefits of grassroots cooperatives in agriculture, S. Cornée, D. Rousselières, V. Thelen, Ecological Economics 230 (2025), janvier 2025.)

Comment avez-vous pu isoler ces résultats ?

Au plan statistique, nous avons « contrôlé » les facteurs qui auraient pu affecter les résultats. Comme les types de productions, les conditions climatiques sur les périodes considérées, ou encore les types de pratiques agricoles.

De manière à pouvoir comparer des situations réellement comparables, toutes choses égales par ailleurs. Ce sont des techniques scientifiques éprouvées qui permettent aux statisticiens de pouvoir mettre en lumière des corrélations solides et, dans notre cas, d’isoler les effets produits par la présence des cuma.

Pourrait-on dire que « corrélation » n’est pas causalité ?

Effectivement, mais dans ce cas-ci, nous avons établi une causalité. Le raisonnement théorique nous a permis de prendre en compte tous les facteurs susceptibles d’affecter la relation cuma-phytos.

Nous avons aussi tenu compte des effets inverses potentiels, comme le fait que certains cumistes s’engageraient dans leur cuma dans le but d’une réduction des pesticides en cuma et donc de l’utilisation de phytos. La relation de causalité est donc bien attestée.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

Sélectionner deux matériels de la même famille pour les comparer