« Avant, je faisais des travaux acrobatiques en hauteur », raconte le jeune homme, rencontré sur le Salon de l’Agriculture. « Mais j’étais en quête d’un mieux-être. Cela ne me nourrissait plus intérieurement. Je voulais m’ancrer sur le territoire et j’ai eu une prise de conscience autour des enjeux de l’alimentation. »
Désormais co-gérant de la ferme des Baraques depuis avril 2017, il « sème et récolte son blé, produit sa farine et fait ensuite son pain bio ». Une activité épanouissante, et rentable à la fois, puisque avec son associé et un ouvrier, cette exploitation de 11 hectares produit la moitié des 30 tonnes de blé annuelles nécessaires pour réaliser un chiffre d’affaires de 11.000 euros par mois.
Reconverti grâce à Terre de Liens
Une reconversion réussie rendue possible par l’association Terre de Liens qui lutte contre la disparition des surfaces agricoles et facilite l’installation de paysans en leur louant les fermes tout juste achetées.
Depuis 2007, l’association a d’ailleurs obtenu plus de 75 millions d’euros d’épargne solidaire et 11 millions d’euros de dons qui lui ont permis d’acheter 4.500 hectares et d’installer 260 paysans sur 181 fermes. Parmi eux, un ancien policier qui fait du maraîchage ou un ex-DJ qui s’est lancé dans l’apiculture.
Edouard, lui, a commencé à « cheminer » il y a huit ans lorsqu’il a débarqué à Chambéry en filière STAPS à l’université. Il est ensuite devenu cordiste pendant trois ans pour garder le contact avec la nature. Dans l’association pour le maintien d’une agriculture de proximité (Amap) à laquelle il vient d’adhérer, un ex-collègue qui avait repris la ferme des Baraques, convainc le jeune homme élancé, à l’air d’étudiant sage avec ses lunettes et sa barbe naissante bien taillée, de le suivre. « C’est une belle aventure qui s’est présentée. Ça concorde à mes valeurs, je suis en phase », témoigne aujourd’hui le néo-boulanger.
« On peut avoir une vie, des loisirs »
« On vit comme tout le monde, c’est important de le montrer. Dire à des personnes ‘devenez paysan mais restez en galère’, ça n’intéresse personne. Une autre agriculture est possible. On peut avoir une vie, des loisirs, sortir », jure-t-il malgré ses 45 heures hebdomadaires de travail.
Lui se dégage un salaire de 2.000 euros et, avec sa compagne enseignante, il s’octroie une semaine de congés à chaque vacances scolaires. Surtout, ce touche-à-tout sportif continue de pratiquer toute l’année escalade, ski, alpinisme et randonnée. « Si j’avais été propriétaire, cela n’aurait pas été possible », reconnaît-il. « Il aurait fallu bosser tout le temps. Le mode de fonctionnement de Terre de Liens permet d’éviter d’être sous l’emprise d’un emprunt conséquent. »
Les occupants de la ferme, située dans une zone péri-urbaine où le prix du foncier a explosé ces dernières années, versent ainsi à l’association un loyer annuel de 2.700 euros pour un bail renouvelable de neuf ans, quand celle-ci a déboursé 270.000 euros en 2011 pour racheter la bâtisse et le terrain. Sans compter les frais de remise en état et l’investissement en matériel.
« Pour le tri du blé, on utilise toujours un appareil à moteur du début du 20e siècle, rigole l’agriculteur, formé sur le tas. Mais ce n’est pas un handicap car pousser vers le tout automatique et électronique nous éloignerait du produit ».
Le duo à la tête de ce projet à taille humaine aimerait maintenant s’intégrer encore plus dans leur communauté car « cette ferme à un rôle à jouer pour sensibiliser les citoyens et le public scolaire à la disparition des terres agricoles », assure Edouard.
Seul bémol, son activité n’est plus compatible avec son tempérament de globe-trotter, lui qui a bourlingué en Amérique du Sud ou pédalé entre la Croatie et la Turquie « pour voir ce qu’il se passe là-bas, comment vivent les hommes ». « Avant, partir trois mois, c’était le minimum pour moi. Bon, là ce n’est plus trop possible mais mon équilibre a changé et je ne regrette rien, bien au contraire », certifie le jeune homme.