Réchauffement climatique et manque d’eau. Un consensus scientifique existe désormais sur le réchauffement climatique dont les effets seront palpables sur l’activité agricole. On prévoit une élévation des températures entre +2 et +7 °C au 21e siècle. Or, 1°C d’augmentation de la température entraîne 10 à 15% d’ETP supplémentaire.
Les augmentations de température bouleversent le cycle habituel des cultures. Par exemple, la sensibilité des céréales aux températures élevées est clairement avérée. En particulier pendant la phase de remplissage du grain (≥ 25-30°C). Ainsi, on redoute pour le blé une augmentation du nombre de jours échaudant de 15 à 30% entre le passé récent et le futur proche, de 40 à 50% pour le futur lointain.
Réchauffement climatique et manque d’eau : une augmentation des besoins en eau d’irrigation
La pression phytosanitaire devrait s’accroître aussi avec l’apparition de nouveaux ravageurs. En effet, la hausse des températures stimule la croissance des insectes (reproduction plus active, consommation alimentaire plus importante). Notamment des espèces qui s’attaquent aux grandes cultures.
Les cultures d’été sont davantage exposées et auront du mal à se maintenir sans irrigation ou, au moins, sans changement de pratiques. Sur le maïs, comme sur le sorgho, les modèles climatiques indiquent une augmentation des besoins en eau d’irrigation d’à peu près 40 mm jusqu’en 2050.
Plus de la moitié des régions viticoles pourraient disparaître
Les auteurs du rapport « Changement climatique, quelles perspectives pour l’eau et l’agriculture d’ici 2050 ? » (Conseil général de l’environnement et du développement durable – Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) ont approfondi ce sujet.
Le défi est sérieux puisqu’on prévoit que l’hydrologie sera fortement modifiée. D’une part avec une baisse des débits moyens annuels de nombreuses rivières, comprise entre -10 et -40%, particulièrement sur les bassins Adour-Garonne et Seine Normande. D’autre part avec une réduction sévère des débits d’étiage sur les exutoires des grands bassins versants dont la baisse pourra atteindre 50% pour la Garonne en 2050) et 30 à 40% pour la Seine en 2070.
Le phénomène est planétaire comme le souligne une étude publiée début janvier dans la revue américaine PNAS, et réalisée notamment par des chercheurs français de l’INRAE. Celle-ci révèle que « plus de la moitié des régions viticoles de la planète pourraient disparaître avec un réchauffement de 2 °C, (objectif de l’accord de Paris) et jusqu’à 85 % avec un réchauffement de 4 °C. Les pays méditerranéens, comme l’Italie ou l’Espagne, perdraient environ 65 % de leur vignoble tandis que des zones plus tempérées, comme la France ou l’Allemagne, enregistreraient autant de pertes que de gains (20 %) ».
Demain une modulation du prix de l’eau ?
Les chercheurs qui réfléchissent aux conséquences du changement climatique à l’échéance 2050, insistent en premier lieu sur les vertus de l’agroécologie. En outre, ils considèrent le sol comme « le socle de la stratégie d’adaptation au changement climatique ». Un sol qui fonctionne bien, a une meilleure capacité de rétention d’eau. Or davantage de « réserve utile », c’est plus d’eau utilisable pour la plante.
Des solutions sont à explorer aussi du côté de la génétique végétale. Tout comme le développement d’« infrastructures écologiques » sur les exploitations et les bassins versants, en particulier l’agroforesterie susceptible de ralentir le cycle de l’eau. En fait, tout un panel de solutions existe pour relever le défi crucial de l’eau.
L’encouragement dans cette voie pourra venir de la réaffectation des aides PAC en faveur de la transition agroécologique. Mais aussi d’aides publiques conditionnées à une irrigation jugée économe, jusqu’à une modulation du prix de l’eau, suggèrent les auteurs de ce rapport. En clair : plus on consomme par hectare, plus on paye cher le m3 !
Réchauffement climatique et manque d’eau : une irrigation plus « résiliente »
Les experts consultés n’abandonnent pas la poursuite de l’irrigation mais de façon plus perspicace. Cela passe en particulier à une évolution des assolements et des pratiques culturales pour rendre plus efficients les apports réduits en eau. Jusqu’ici, ont était sur une tendance baissière en matière d’irrigation. « La France est le pays au monde (à l’exception de l’Australie) où l’irrigation a le plus évolué à la baisse entre les deux périodes de référence 2004-2006 et 2012-2014, avec une perte annuelle de volume avoisinant 8 % » précise-t-on. Côté technique d’irrigation, des marges de progrès sont à la portée des irrigants pour réduire les pertes. Des équipements plus performants existent. On évoque ainsi l’intérêt de la micro-irrigation localisée.
Alors que les créations de bassines font généralement l’objet de lourdes controverses, le rapport défend prudemment cette option. En la conditionnant toutefois à une gouvernance territoriale reposant sur une gestion collective de l’eau considérée comme un bien public. Cette gestion renforcée devant associer tous les acteurs des territoires concernés. Dans la mesure où c’est possible, les auteurs du rapport promeuvent la création de retenues collectives. Sauf dans les zones où les retenues individuelles constituent la seule possibilité.
Pas augmenter, mais substituer les prélèvements
Clairement, il ne s’agit pas de développer de nouvelles surfaces irriguées, mais seulement « substituer » des prélèvements. Avec idéalement, la création d’ouvrages multi-usages (eau potable, soutien d’étiage, irrigation, autres usages…). A condition bien sûr « que le remplissage hivernal des retenues n’altère pas le régime hydrologique » souligne-t-on.
Enfin, d’autres solutions plus rares sont esquissées dans ce rapport comme la réutilisation des eaux usées traitées. Une démarche encore peu développée en France, contrairement à d’autres pays, qui constituerait une piste intéressante pour accompagner les projets d’agriculture périurbaine.
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