Un peu de prospective ne fait jamais de mal, d’autant plus dans le domaine agricole! Un principe suivi à la lettre par les responsables du réseau cuma d’Aquitaine lors de son Assemblée générale organisée cet été près de Bordeaux.
La reconfiguration de la Région Aquitaine en Nouvelle-Aquitaine a été plutôt bien digérée par le réseau des Cuma. Les 10 fédérations de proximité qui la constituent ont trouvé l’équilibre entre autonomie et initiative. Un élan favorisé par des bases communes solides, et en premier lieu, le fait de parier sur l’innovation sur le plan humain.
Parmi les réalisations qui matérialisent ce dynamisme, les participants ont pu noter le reconnaissance comme organisme de formation, à la fois pour les agriculteurs, responsables et salariés des Cuma, les 170 Dina réalisés en 2017 (Dispositifs national d’accompagnement des Cuma, une formule qui permet d’auditer le fonctionnement d’une Cuma et de l’accompagner dans son évolution), pour une enveloppe de 366000€et les milliers d’élèves et futurs agriculteurs rencontrés pour leur faire connaître et appréhender les bénéfices des Cuma en termes de revenus, d’organisation et d’échanges.
Un dialogue franc et constructif
Marc Chapolard, président de la fédération régionale, a souligné avec la directrice Roselyne Laurent la forte implication des administrations, qui permettent aux Cuma d’exprimer leurs pleins potentiels.
Ces partenaires institutionnels se sont montrés volontaires et constructifs dans leurs contributions à l’AG, à l’image des élus du réseau Cuma qui n’ont pas hésité à les interpeler sur les dossiers « chauds » en cours.
Jean-Luc Broca, trésorier des Cuma de Nouvelle-Aquitaine, n’a pas manque de souligner que « Nous voyons des financements échapper à des Cuma, qui vont, soit à des projets en individuel, soit à d’autres types de collectifs d’entreprise, comme les ETA qui se revendiquent aujourd’hui comme tels. Sur le terrain, nous travaillons bien sûr ensemble pour les agriculteurs, mais nous voudrions voir reconnaître notre spécificité : nous sommes de vrais groupes d’échanges. »
Réponse de Jean-Pierre Raynaud, vice-président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine en charge de l’agriculture: « Nous avons l’ensemble de l’économie à accompagner. Nous essayons de privilégier le collectif dans les investissements et projets, et votre réseau est accompagné avec une forte bienveillance, d’ailleurs légitime. Mais reste que ce n’est pas la subvention en elle-même qui amènera le collectif à se développer. Les agriculteurs ont, en soi, un intérêt économique à s’engager en Cuma. »
Agnès le Boisselier, en charge des dossiers GIEE et méthanisation au sein de la Draaf, a félicité animateurs, élus et agriculteurs pour leur engagement sur la thématique agroécologique, avec 15 dossiers GIEE directement portés par des Cuma dans la région, « Continuez sur cette trajectoire porteuse de performance économique. » Une dynamique régionale est en cours de construction dans le domaine de la méthanisation, a-t-elle analysé, et doit aujourd’hui se traduire dans les départements.
Marc Chapolard, présiednt de la F cuma Aquitaine a conclu son rapport moral avec les mots suivants : « L’une des orientations fortes de la Fédération régionale : renforcer notre capacité à produire de la matière grise, en anticipant et en portant des projets innovants. C’est pour cela que nous sommes en veille sur les questions sociales, sociétales, environnementales et économiques pour produire des références (agroéquipement, emploi, méthanisation en premier lieu). La professionnalisation du réseau dans les métiers du conseil sera cruciale, avec une dimension « ressources humaines » importante. Je m’engage pour un réseau accueillant et bienveillant, où l’on est heureux de militer et de partager des valeurs de solidarité et d’humanité. »
Du partage au portage
Une vision du réseau forte et optimiste, nécessaire à l’heure des changements annoncés par le sociologue François Purseigle, qui officie en tant qu’enseignant et chercheur à l’Ensat et à Science-Po. Ce dernier a dressé un panorama contrasté de l’avenir des agriculteurs, sur le thème de l’« évolution du faire ensemble, face à l’éclatement des formes de travail ». Après avoir décortiqué les leviers de l’émergence de nouveaux projets agricoles (transmission, capital, projet et vie, capacité d’adaptation…) il a insisté sur la nécessité pour les organismes de soutien aux agriculteurs à s’adapter et créer de nouvelles formes d’accompagnement.
« Tout le monde avait le même projet de vie il y a 30 ans, ce n’est plus le cas », analysait-il, pointant des changements très importants dans le capital des exploitations, et de grandes disparités entre ceux, très agiles, qui sont capables de s’adapter et les autres. Autre évolution : le développement du ‘faire faire’, de la délégation, qui a suscité de nombreuses réactions.
« La coopération et certains Ceta le font déjà, qu’ils l’expriment ou pas. Dans certains secteurs, il y a urgence à préserver les volumes. Vous êtes attendus là-dessus, et sur les nouveaux instruments de portage (foncier, capital), la meilleure façon d’accompagner et d’outiller ceux qui s’installent. »
Une nécessaire adaptation confirmée par Luc Vermeulen, président de la Fédération nationale des Cuma. Mais qui a fait réagir Jean-Pierre Raynaud : « Il y a une résistance sociétale sur certains points de ce modèle, on le voit par exemple avec les pesticides. Je crois que le groupe constitue une réponse. Le clip et le spectacle ‘le bonheur est dans le pré, mais l’étable est vide’*, réalisé par la fdcuma24, était très intéressant à cet égard. »
*écrit par le comédien Jean-Pierre Dupin, bande-annonce visible sur YouTube.