L’influenza aviaire fait des dégâts énormes avec déjà 700 000 animaux abattus (essentiellement des canards). Le 8 janvier, le Ministre de l’Agriculture déclarait doubler les capacités d’abattage. L’objectif ? Créer des vides sanitaires et endiguer la propagation de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest. De plus, l’Etat renforce l’accompagnement et l’indemnisation des éleveurs.
Propagation de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest : 197 foyers au 11 janvier
Par ailleurs, le département des Landes se retrouve en première ligne. En effet, selon le Ministère, on dénombre 197 foyers d’influenza aviaire H5N8 en France au 11 janvier 2021. En outre, les Landes en regroupe 170, les Pyrénées-Atlantiques 7, le Gers 6 et les Hautes-Pyrénées 2.
Sur le terrain, on regrette que les moyens déployés par les services vétérinaires ne soient pas à la mesure du fléau. D’autant plus que le virus circule très vite. Et que la logistique d’abattage a du mal à suivre la cadence. Dans certains territoires comme la Chalosse où vivent de nombreuses familles d’éleveurs, l’impact est dévastateur !
Ici, la filière palmipèdes gras représente une composante importante du tissu agricole local. Un tissu local déjà durement éprouvé lors des crises précédentes de 2016 et 2017. Souvent, il s’agit d’éleveurs-gaveurs, en autoconsommation du maïs grain produit sur la ferme, installés sur des exploitations de tailles modestes. Certains disposent aussi d’une atelier de transformation.
Actuellement, l’abattage préventif se fait sur un rayon de 5 km autour des foyers contaminés (distance de la limite de la commune du foyer contaminé) pour l’ensemble des palmipèdes et autres volailles quand elles ne sont pas claustrées et 1 kilomètre pour toutes les volailles d’élevage et de basse-cour. Au total, 5 abattoirs situés dans les Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées et Gers, ont été réquisitionnées pour cette funeste tâche.
Un arrêté ministériel liste les communes dans lesquelles ces abattages préventifs peuvent être ordonnés. Cela concerne toutes les communes du Gers, des Landes, Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques.
Un virus insidieux
Dans ce dernier département, Jean-Luc Broca, éleveur de canards vient d’apprendre le 13 janvier que son élevage (lot de 7000 canards) était à son tour touché. Le virus franchit allègrement les frontières départementales et se transmet insidieusement d’élevage en élevage. Comme l’exploitation voisine de son élevage distante de 2,5 km, contaminée il y a 3 jours.
Pourtant, les canards de Jean-Luc Broca étaient claustrés. Il se demande donc comment le virus est-il entré pernicieusement dans son élevage. « Je suis pourtant très attentif à tous les précautions sanitaires. On a des pédiluves, des sas à l’entrée des bâtiments ».
Un coup d’autant plus rude moralement et financièrement que de nombreux éleveurs comme lui avaient depuis la dernière crise, investi dans les mises aux normes de biosécurité. « On se demande bien quand et comment on pourra repartir ? » s’inquiète Jean-Luc.
Lors de la dernière crise, les éleveurs devaient respecter un vide sanitaire de 6 mois.
Partages de matériels : nettoyage irréprochable obligatoire
Jean-Luc Broca qui est aussi le Président de la Fédération des cuma 640 (Béarn, Landes, Pays Basque) rappelle dans ce contexte sombre à quel point l’appartenance à un groupe est salutaire : « où on peut se parler avec les collègues, échanger, se rassurer ».
En outre, la Fédération des cuma redoute les conséquences de l’influenza aviaire sur la vitalité des groupes. Quelques cuma spécialisées qui mutualisent des outils d’abattage et de découpe, sont directement impactées. Idem, pour la cuma spécialisée dans le transport de volailles.
En pareilles circonstances, les échanges de matériels utilisés entre élevages tels que les tonnes à lisier, épandeurs, pailleuses, valets de ferme doivent faire l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection irréprochables. Et les venues de personnes extérieures à l’exploitation dans le périmètre des élevages, sont prohibées sauf exception. « Nous avions eu déjà l’occasion lors de la dernière crise de sensibiliser les cuma sur toutes les précautions sanitaires à observer » rappelle le Président de la Fédération.
Etant donné l’acuité de la crise, certaines cuma redoutent les difficultés de recouvrement des factures de travaux 2020 par les exploitations dans la tourmente. Alors que le plan de relance offrait l’opportunité aux groupes d’échafauder des projets d’avenir, nombre de cuma landaises habituellement très dynamiques, sont désormais dans l’expectative.
Propagation de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest : une source de tensions entre les éleveurs
L’épizootie tend aussi à exacerber les tensions entre éleveurs. En effet, entre ceux en filières longues avec des animaux claustrés en bâtiments, et les élevages fermiers sur parcours en circuits court, on voit poindre des différences d’appréciation. Les uns pointent du doigt, les risques de contamination dans les élevages plein-air via les oiseaux. Mais d’autres considèrent que c’est l’industrialisation des filières volailles qui est en cause.
« Les volumes de production n’ont cessé d’augmenter. Dès lors que le virus de l’influenza aviaire circule, sa diffusion devient inévitable. Comme le démontre la charge virale extrêmement élevée dans le sud-ouest. La segmentation de la production, génère des flux incessants d’animaux vivants. Cette organisation booste la circulation et donc la diffusion du virus » regrettent la Confédération Paysanne et le Modef.
Pour Jean-Luc Broca, il ne s’agit pas d’opposer les différents modèles d’élevage qui ont chacun leur place. Aujourd’hui, beaucoup de points d’interrogation se posent sur la relance de la filière canards. Y aura-t-il une baisse de volume de production ? Quid du maintient de la dérogation permettant aux petits éleveurs de maintenir leurs animaux en plein air (pour des raisons de cahier des charges ou bien-être animal), dans la limite de 3 200 canards en parcours ?
A court terme, les indemnités prévues, (premiers versements annoncés dès la semaine prochaine) ne suffiront probablement pas à compenser le préjudice moral qu’entraîne cette catastrophe. Les éleveurs demandent aux pouvoirs publics de prendre l’exacte mesure du manque à gagner. Il ne se limite pas à la « valeur marchande » des canards abattus. Mais il doit aussi intégrer les arrêts de production, et l’impact économique global dont vont souffrir les exploitations en circuits courts.
Pas de vaccins autorisés !
Les espoir d’une rémission définitive du virus, sont hélas très ténus. « Il n’existe aucun traitement spécifique de la maladie. À l’heure actuelle, la vaccination des animaux est techniquement délicate » avertit l’ANSES sur son site. « En effet, il faut garantir que le vaccin soit bien adapté aux virus présents dans la zone considérée et que la mise en œuvre du vaccin ne favorise pas la circulation inapparente du virus sauvage chez les oiseaux vaccinés ».
Par ailleurs, le Ministre de l’Agriculture soulève un autre écueil du vaccin : son impact sur l’export. En effet, certains pays interdisent l’importation de produits vaccinés. L’Union européenne interdit la vaccination dans tous les États membres.
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