En République d’Irlande, l’industrie agroalimentaire représentait en 2016 8,6 % des emplois dont 5,6 % pour le secteur primaire seul (agriculture, pêche et sylviculture). Ces dernières années, c’est la filière laitière qui s’y développe le plus rapidement. L’objectif gouvernemental, instauré avec le projet « Food Harvest 2020 », est d’augmenter de 50 % sa production d’ici 2020.
L’autorité chargée du développement agricole Teagasc a anticipé une augmentation de 15 000 emplois. «Depuis 2010, la filière a investi et s’est préparée à la disparition des quotas laitiers en 2015.» Depuis 1984, cet outil intégré à la Pac «a représenté pendant des décennies un frein pour l’agrandissement de la filière, alors qu’il y a un potentiel réel», explique Catherine Lascurettes, secrétaire exécutive en charge du comité laitier à l’Irish Farmers Association (IFA), l’équivalent irlandais de la Fnsea.
Production laitière Irlande : petit mais croissant
A l’échelle européenne, les rendements de lait sont bas par rapport aux autres pays. La république produit en petite quantité mais son volume est en croissance constante depuis dix ans. En 2016, l’Irlande délivrait 6 850 tonnes de lait, quand la ferme France en livrait plus de 25 600. «Avec 4,7 millions d’habitants, l’Irlande exporte majoritairement sa production agricole», ajoute Catherine Lascurettes. 90 % de sa production de bœuf est exportée et, pour le lait, c’est 85 % du commerce qui se fait hors du pays, principalement dans l’Union, Royaume-Uni en premier lieu (37 %).
L’exportation du lait, c’est «une tradition qui remonte au dix-neuvième siècle», ajoute-t-elle. Si l’Irlande fait tant envie aux agriculteurs laitiers, c’est grâce à ses meilleurs coûts au comptant. Une étude, menée en avril 2017 par Teagasc, montre que par rapport à ses résultats, les coûts irlandais représentent 65 % des revenus totaux. En France, le niveau de ce même indicateur est plutôt situé à 69 %. La raison de ce résultat ? Tous les experts et agriculteurs interrogés nous ont donné la même réponse.
«Notre système est efficace car il repose sur les pâturages», répond Fiona Thorne, économiste dans le secteur « Recherche & développement » de Teagasc, l’une des spécialistes qui ont mené l’étude sur la compétitivité agricole irlandaise. Et plus les vaches broutent, moins elles consomment d’aliments concentrés. Avec 3,7 millions d’hectares d’herbe au total, intensifier la production animale avec ces compléments onéreux n’est pas ce sur quoi mise l’agriculture nationale.
De nouveaux leviers
Ainsi, l’autonomie n’est pas une préoccupation majeure, ni des agriculteurs, ni de ses représentants. Elle s’inscrit plutôt dans une réflexion plus globale sur l’optimisation de la filière. Le rapport de Teagasc note que «les fermes laitières irlandaises ont relativement des faibles coûts concernant (…) les aliments pour animaux (…) et les machines».
Ce qui n’empêche pas de chercher à faire mieux. Question d’habitude, les agriculteurs ne se regroupent pas sous forme de cuma afin de réduire les coûts de leurs tracteurs. «Lors de l’arrivée des machines dans les années 1970, la profession a arrêté de s’entraider», se souvient Brendan Hinchion, 54 ans, venu en Maine-et-Loire en janvier 2017 avec une dizaine d’agriculteurs afin de voir le fonctionnement des productions françaises. «J’aimerais vraiment bien qu’un système similaire soit mis en place ici entre agriculteurs laitiers et bovins», dit-il.
Des ressources limitées
L’autonomie alimentaire, c’est surtout en premier lieu celle du pays. Le gouvernement l’encourage. Depuis 2015, plusieurs millions ont été alloués aux agriculteurs céréaliers. Ici, les exploitations ne couplent pas culture de céréales et troupeaux. Les éleveurs achètent à des revendeurs ou des agriculteurs locaux. Néanmoins, les ressources de l’île sont limitées. En 2016, l’orge était cultivée sur 186 800 hectares, le blé sur 67 100 ha et l’avoine sur 23 000 ha, tandis que «le soja et le maïs ne poussent pas ici, alors nous ne pouvons pas être en autosuffisance», objecte Tom O’Dwyer, responsable du transfert des connaissances de la filière laitière à Teagasc.
L’institution fait campagne pour une meilleure optimisation du pâturage : «Les agriculteurs fournissent environ 1t de nourriture concentrée par vache et par an. On peut se dire que c’est encore trop». Teagasc organise des sessions de démonstration avec les agriculteurs à travers le projet «Grass 10» qui vise «10 tonnes de matière sèche utilisées par hectare et par an», avec «10 passages par enclos sur l’année». Tom O’Dwyer en est le pilote : «Nous formons les agriculteurs afin qu’ils puissent mieux réduire leurs coûts de production. Par exemple, certains ne savent pas qu’ils peuvent faire sortir leur troupeau et pâturer dès le début du printemps».
Malgré une généralisation des pratiques performantes, Tom O’Dwyer voit encore des réticences. «C’est une nouvelle façon de faire. Cela demande donc d’y consacrer du temps, de l’énergie». Il faut mesurer, tout noter, analyser… Et «en général, il faut plusieurs années avant d’obtenir des résultats, ce qui peut décourager».
Au sein de la filière laitière, certains coûts restent élevés comme la main d’oeuvre, la propriété des terres ainsi que l’utilisation des fertilisants. Teagasc essaie de sensibiliser à la réduction de l’utilisation d’azote, aussi vis-à-vis des impacts environnementaux. Malgré ces freins, le système d’élevage laitier irlandais est voué à s’agrandir considérablement. Fiona Thorne estime que la compétitivité deviendra meilleure lors du développement de la filière grâce aux économies d’échelle qui seront réalisées.
Chiffres clés sur la production laitière Irlande (données 2013)
- Nombre de fermes total : 139 600
- Taille moyenne d’une ferme : 32,5 ha
- Surfaces agricoles utilisées : 4 536 400 ha, dont 307 800 ha pour les céréales, 4 200 ha pour les fruits et légumes, 10 700 ha pour les pommes de terre
- Nombre de troupeaux laitiers : 18 000
- Nombre de vaches et bœufs : 6,9 millions
- Nombre de moutons : 4,9 millions
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Partez à la découverte de la production laitière en Nouvelle Zélande.