Le tableau est complexe, entre le fourrage sur pied et la mâchoire musclée du ruminant, il peut s’en passer des opérations. Chacune impacte la qualité du fourrage que l’éleveur offre à son cheptel. Tous ces choix, par la même occasion, sont autant de paramètres qui entrent dans l’équation du combien coûte la ration. Sur une commune littorale du nord du Finistère, charmante et verdoyante, les responsables de la fédération départementale des cuma souhaitaient évoquer le thème du prix de l’herbe à l’occasion de son assemblée générale(1).
Ici, «nous avons des élevages qui reposent sur des systèmes herbagers», confirme Stéphane Kermorgant, représentant de la cuma de Trézien, l’une des trois cuma de Plouarzel. «L’herbe a une image de culture compliquée.» Et elle le mérite parce que sa récolte est «toujours une histoire de compromis entre qualité et rendement», déroule Anne-Laure Duhaut, animatrice d’une fédération de cuma voisine. Néanmoins, les témoignages du jour démontrent que le jeu (et les tracas) en valent la chandelle.
Chaque récolte a ses objectifs
L’intervenante confirme: «plutôt que de parler de la récolte de l’herbe, nous allons parler des récoltes de l’herbe.» Bien sûr, de ce bouquet, le pâturage ressort en tête des valorisations les plus économiques. Certes, «nous pourrions passer des heures sur le pâturage, tellement les possibilités de conduite sont diverses», néanmoins, Anne-Laure Duhaut pose un premier jalon: «on peut estimer qu’une tonne de matière sèche pâturée coûte entre 67 et 55€.» Ce repère prend en compte «tous les coûts, dès l’implantation», pour une culture qui procure entre 4 et 6tMS/an pendant 5 ans.
Face à lui, les repères qu’affichent les autres solutions récoltes paraissent presque exorbitants. Cependant, «nous ne sommes pas sur les mêmes objectifs», rappelle l’animatrice. La nuance vaut même pour l’affouragement en vert. Cette technique, Bernard Kerouédan la pratique. Pourtant, le coût alimentaire de son élevage bio du sud-ouest du département reste entre 15 et 20€ les 1.000l. «En 2020, j’étais à 17€/1.000l.» Avec sa remorque autochargeuse, il exploite notamment une parcelle éloignée de presque une dizaine de kilomètres. Très particulière, puisqu’elle présente un pH de 8,5, l’éleveur l’utilise en luzernière. «Il me faut une heure pour y faire un tour. C’est du temps à passer», mais le témoin semble s’y retrouver.
Selon le volume d’affouragement, le coût en cuma va du simple au triple
Pour Anne-Laure Duhaut, l’affouragement est particulièrement pertinent d’ordinaire quand l’éloignement reste raisonnable, «si on est à 3, voire 5km.» Elle pose deux objectifs qui motivent son adoption. «Le premier, c’est de valoriser une prairie non accessible. Le second est d’améliorer les performances technico-économiques.» Elle commente ainsi le cas particulier que propose son voisin de tribune. «Affourager un produit avec des bonnes valeurs protéiques, c’est un moyen de réduire les concentrés azotés. En actionnant ce levier, cet élevage compense le coût de l’intervention.» L’adhérent de la cuma du Pigeonnier confirme. «Depuis que je donne de la luzerne, j’ai augmenté la production de deux litres, sachant que je n’utilise pas de concentré.»
Prix de l’herbe: autochargeuse couteau-suisse vs affourageuse spécifique
L’affouragement est par ailleurs un service compatible avec l’usage collectif du matériel. L’intervenante conforte l’idée avec deux exemples qui fonctionnent dans la région, avec une stratégie totalement opposée. Face à la cuma Agribocage qui rentabilise sa remorque avec une multitude de chantiers, la cuma la Gourmande a investi dans le même genre d’outil en 2018 pour affourrager. Et avec, elle ne fait que cela.
Dans tous les cas, la conseillère constate que le coût du service est extrêmement dépendant du volume réalisé, plus que du montant de l’investissement. La tonne de matière sèche rendue à l’auge peut coûter de l’ordre de 70€ si l’outil en distribue une centaine sur l’année. Si l’autochargeuse sert quatre fois moins, le coût unitaire grimpe aux alentours de 250€/tMS. À la Gourmande, le convoi fonctionne par exemple près de 940h/an. Ses éleveurs payent 75€/h leur service de livraison des repas à domicile, sachant qu’un tour avec 2km de distance prend moins d’une demi-heure.
(1) Séquence réalisée dans le cadre du projet Casdar Arpida Asap
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