« La hausse moyenne de la campagne est à 12% (par rapport à 2015). Il y a des vins qui ont été stables en prix, beaucoup ont augmenté de 10% et certains dont le statut ou la qualité étaient exceptionnels et sur lequel il y avait une grande demande jusqu’à 20% », a dit à l’AFP Yann Jestin, vice-président du Syndicat des courtiers en vin de Bordeaux.
Les prix en primeurs de 400 vins bordelais, en cours d’élevage et livrés 18 à 24 mois plus tard, sont fixés entre avril et juin après avoir été goûtés et notés par des professionnels. Ce système, unique au monde, permet à environ 250 propriétés d’avoir de la trésorerie et aux acheteurs de faire, en principe, des économies ainsi que d’acquérir des vins de grands châteaux souvent introuvables après ou à des prix plus élevés. Les ventes en primeurs représentent un volume faible par rapport à l’ensemble de la production, 2% en moyenne, en baisse constante, pour un chiffre d’affaires d’environ 10%.
Après les excès de prix des années 2009 et 2010, qui leur avaient donné mauvaise réputation, la leçon a été retenue pour 2015/2016, deux millésimes similaires en terme de qualité et de quantité, sauf pour deux ou trois châteaux qui ont poussé l’augmentation jusqu’à 40%. Les prix cette année sont globalement inférieurs à ceux d’il y a six ans, principalement pour les très grands vins, comme Château Margaux, qui était à 700 euros en 2010 contre 490 euros en 2016. Léoville Las Cases se vend au même prix qu’en 2005.
« A l’inverse, les 4e ou 5e crus qui sont dans le bas du classement des crus classés ont progressé. Ils sortaient à 20 ou 25 euros en 2009/2010 contre 30 ou 35 euros aujourd’hui », a dit Yann Schÿler, PDG de la maison de négoce Schröder & Schÿler.
Le gel pousse les stocks à la hausse
Cette hausse contenue en 2016 se justifie par la qualité exceptionnelle du millésime qui se classe au moins au niveau de 2010, par une forte demande pour de grands châteaux tels que Talbot ou Calon-Ségur, combinées à un autre facteur qui n’était pas prévu: les aléas climatiques.
« Il y a 10 à 20% de volume en moins mis sur le marché dans les propriétés qui ont souffert du gel » fin avril, a dit Yann Jestin, qui dirige également le cabinet de courtage Oenomedia. Face à une future récolte touchée en 2017 par le gel, les châteaux ont gardé du stock sur le millésime 2016 afin de le revendre plus tard à un meilleur prix. D’autres châteaux, qui n’ont pas ou peu été touchés, ont pris ce « prétexte » pour faire des stocks, selon certains professionnels.
« On a un avant et un après le gel. La campagne a démarré avec des hausses de 5 à 10% sur les prix de 2015 et puis à partir du moment où le gel est arrivé, on est plutôt passé de 15 à 25% », rapporte un courtier spécialisé dans les grands crus. « Les prix ont augmenté légèrement et les volumes ont été réduits. On a eu en fait deux campagnes », dit ce courtier, notant un vif intérêt durant cette « bonne campagne » 2016 pour les crus bourgeois du Médoc, certains Fronsac ou encore des Graves. Ainsi les 20.000 caisses du château Lilian Ladouys, cru bourgeois à Saint-Estèphe qui a connu une augmentation de 15% (soit 1,50 euros par bouteille), se sont écoulées en quelques heures.
Ce sont les Américains et les Européens, Britanniques en tête malgré la dévaluation de la livre sterling avec le Brexit, qui ont montré le plus vif intérêt pour cette campagne. Ils se retrouveront à partir de dimanche lors de l’ouverture de Vinexpo à Bordeaux, le plus grand salon viticole au monde. Ils pourront y faire le point sur cette campagne et … acheter davantage de vin.