Réunis le 16 mars par le SNPAR (Syndicat de la presse agricole, rurale et cynégétique), les référents agricoles des quatre principaux candidats à la présidentielle ont exposé́ tour à tour les grandes lignes des programmes agricoles de leurs champions. Tous, évidemment sont partisans de meilleures régulations des prix et des revenus, une modernisation de l’agriculture, une meilleure prise en compte des exigences sociétales. Tous traitent, à leur manière, la question européenne. Plus grandes qu’il n’y paraît, voici les nuances parfois fortes de leurs programmes sur les quatre dimensions majeures pour le monde agricole : la modernisation, l’Europe, les revenus et les prix. Les invités du SNPAR étaient Olivier Allain et Audrey Bourolleau pour Emmanuel Macron, Michel Dantin pour François Fillon, Gilles Lebreton pour Marine Le Pen et Eric Andrieu pour Benoît Hamon.
La modernisation de l’agriculture
Le plus précis en termes de modernisation de l’agriculture française est sans doute Emmanuel Macron. Olivier Allain confirmait que son candidat s’engageait à programmer un investissement de 1 milliard par an sur la durée de son quinquennat en agriculture. Pour financer la production elle-même mais aussi la transformation sur l’exploitation et la première commercialisation, en circuit court par exemple. Il doublerait, de plus, les aides agro-environnementales qu’Olivier Allain évalue à 116 millions d’euros par an actuellement. Ceci permettrait notamment aux exploitants qui le veulent de changer de système de production vers un modèle plus respectueux de l’environnement. À ces aides s’ajoute le principe de prêts d’honneur à 0 % d’intérêts, garantis par la BPI, destinés aux jeunes qui s’installent à condition qu’ils respectent les parcours à l’installation prévus aujourd’hui.
François Fillon se montre également soucieux de modernisation mais surtout en encourageant l’innovation. Pour cela il compte notamment abroger le principe de précaution actuellement inclus dans la Constitution française. « Il faut rendre aux agriculteurs la liberté́ d’innover », affirme Michel Dantin qui évoque aussi la simplification du statut d’exploitant agricole pour libérer sa capacité́ d’initiative. Marine Le Pen est plus prudente sur ce point, estimant que « l’agriculture française repose sur une philosophie trop productiviste », selon les termes de Gilles Lebreton qui réaffirme avec force conviction la nécessité́ de revenir à un modèle d’exploitation familiale. Les biocarburants de 1ère génération n’ont d’ailleurs pas grâce à ses yeux. Enfin, Benoît Hamon veut concentrer ses soutiens à l’investissement sur les projets et les installations en bio ou en agroécologie de même que pour s’adapter au réchauffement climatique. Il veut notamment conforter la recherche sur les variétés et les races rustiques et faire du programme 4 pour 1000 une priorité́ pour réorienter les flux financiers disponibles.
L’Europe et la Pac
La plus déterminée sur l’Europe est sans conteste Marine Le Pen qui veut tout simplement sortir la France de l’Europe ou en tout cas mettre fin à la Politique agricole commune et à l’euro. Récupérant sa contribution à l’UE, la France continuerait à verser des aides aux agriculteurs, avec un patriotisme alimentaire (priorité́ aux produits français dans la restauration collective) et, au bout de deux ans réintégration de droits de douane sur les produits qui pratiquent du dumping social. Gilles Lebreton vise notamment les produits allemands qui profitent des bas salaires grâce à la directive sur les travailleurs détachés. Une directive qui serait remise en cause par la France. Quant au risque sur nos propres exportations, il serait jugulé par des négociations avec nos voisins tandis que le marché́ russe devrait tout naturellement être rouvert grâce aux bonnes relations entre Marine Le Pen et la Russie. François Fillon parle, lui, de préférence communautaire et surtout de la nécessité́ d’une relance de la Politique agricole commune. Pour cela, il faut s’affranchir des règles de l’OMC et surtout que la France présente un vrai projet pour la future réforme de la Pac. Le prochain ministre de l’Agriculture serait d’ailleurs requis d’être plus largement présent à Bruxelles qu’aujourd’hui. Pour Benoît Hamon, la réforme de la Pac devra permettre de lutter contre la volatilité́ des prix par des outils qui vont de l’échelon national (lissage fiscal, baisses des charges) jusqu’à des aides contracycliques. Il évoque aussi des outils de maîtrise des volumes de production au niveau européen, sans les préciser. Des aides contracycliques et de la régulation sur lesquelles Emmanuel Macron insiste également, évoquant un nouveau souffle européen impliquant notamment une plus grande équité́ dans les régimes sociaux et fiscaux des pays membres.
Des revenus à régulariser
L’ensemble des candidats insistent évidemment sur les revenus des agriculteurs actuellement très mal en point. Emmanuel Macron promet la possibilité́, pour les agriculteurs, d’avoir accès aux allocations-chômage, sans que cela implique pour les exploitants de payer des cotisations chômage, assure Olivier Allain. Les retraites bénéficieraient d’une réelle parité́ entre régime, un euro investi rapportant exactement le même montant de retraite quel que soit le régime.
François Fillon insiste, lui, sur un mécanisme d’épargne aléas, un peu à l’image de la DPA actuelle mais plus efficace. Un système de défiscalisation où l’agriculteur peut mettre en charge, les bonnes années, une somme épargnée laquelle peut être récupérée en recette les mauvaises années. Il évoque aussi, pour faciliter les successions dans le cadre familial, l’exonération des droits de succession lorsque l’exploitation reste au sein d’une même famille. Quant à l’assurance, Michel Dantin insiste sur le rôle de l’assurance climatique mais considère que « l’assurance revenu ou marge » n’est pas encore au point. Sensible à ce point, Benoît Hamon, via Éric Andrieu estime qu’il faut « améliorer la cohérence des dispositifs de gestion des risques climatiques, sanitaires et environnementaux ». De plus, il considère que les exploitants doivent pouvoir bénéficier des mêmes règles que les entreprises c’est-à-dire pouvoir reporter les déficits sur les années futures afin de lisser le poids de la fiscalité́.
Pour Marine le Pen, la question du revenu sera d’emblée résolue au bout de deux ans de sortie du régime de la Pac. Elle prévoit à ce moment la fixation par la France de prix agricoles minimums. Garantis par l’État, ils seront fixés de manière à ce que les agriculteurs « puissent vivre de leur travail », selon les mots de Gilles Lebreton.
Les prix, entre alimentation et production agricole
La question est bel et bien celle des prix agricoles. Comment seront-ils fixés et comment se répercuteront-ils auprès des agriculteurs ? « Emmanuel Macron est le candidat du prix payé aux agriculteurs », lance Audrey Bourolleau, référente pour l’agriculture chez Emmanuel Macron. D’abord, un « Grenelle de l’alimentation » aura lieu pour tenter de trouver les moyens de répercuter de meilleurs prix aux agriculteurs. Ses participants : la distribution, la transformation, les agriculteurs et les consommateurs. Si ce Grenelle ne parvient pas à des résultats, alors, le gouvernement rouvrira la loi de modernisation de l’économie (LME). Il pourrait prévoir de jouer sur le seuil de revente à perte, la taxation des distributeurs, etc. Autrement dit : en l’absence d’accord, il y aura une loi. À cela s’ajoute de la part de l’État une politique de soutien aux regroupements en organisations de producteurs, afin de retrouver de la puissance pour les agriculteurs lors des négociations. Ce contexte devrait en tout cas permettre à toute forme d’exploitations agricoles (pour l’export, la vente en grande surface, les circuits courts, etc.) de cohabiter.
François Fillon lui-non plus n’exclut pas de rouvrir la LME. Si elle a été́ conçue par son gouvernement, il admet qu’il y a eu des dérives depuis. Il envisage également de faire revoir le droit de la concurrence, européen et français, permettant de renforcer les organisations de producteurs, de simplifier leur reconnaissant publique. De plus, les accords interprofessionnels seraient encouragés, insiste Michel Dantin, à l’image de celui de la betterave sucrière qui permet de prévoir la répartition de la valeur ajoutée notamment dans le cas où les marchés chahutent les prix. D’ailleurs, comme le prévoit la loi Sapin 2, les agriculteurs devront être présents dans les contrats résultant des négociations entre distributeurs et fournisseurs.
Enfin, Benoît Hamon lui aussi envisage un Grenelle de l’alimentation mais sur un autre plan qu’Emmanuel Macron : il s’agit pour lui de réunir les consommateurs et agriculteurs pour définir la politique de l’agriculture et de l’alimentation. Quant au prix, il envisage de rétablir les « coefficients multiplicateurs » pour partir du prix agricole avant de fixer le prix des aliments. Des coefficients multiplicateurs qui existaient du temps du blocage des prix. Plus généralement, Benoît Hamon estime qu’il faut renforcer le rôle des agriculteurs dans la chaîne alimentaire grâce à une politique contractuelle équilibrée. Il considère, aussi, qu’il faut « redonner leur place aux agriculteurs dans le processus de décisions des groupes coopératifs et favoriser l’agriculture de groupe ».
Hervé Plagnol – Agra Presse – SNPAR
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