« Le gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016. Cet arbitrage a été pris à l’occasion d’une réunion tenue à Matignon le 21 juin dernier », a indiqué Matignon dans un communiqué, tout en précisant qu’un « travail est en cours avec les autorités européennes ».
La législation française « n’est pas conforme avec le droit européen », avait déclaré tôt lundi M. Travert sur RMC/BFM TV, interrogé à propos d’un « document de travail » datant du 21 juin obtenu par RMC, et qui déplorait que « la réglementation française (aille) plus loin que ce qui est prévu par la réglementation de l’UE » (Union européenne).
Votée dans le cadre de la loi sur la biodiversité de 2016, l’interdiction des néonicotinoïdes, appelés pesticides « tueurs d’abeilles » par leurs détracteurs, a été vivement combattue par le monde agricole, en particulier les producteurs de betteraves, et fait l’objet d’âpres débats au Parlement. La mesure prévoit d’interdire dès le 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles jusqu’au 1er juillet 2020, les principales molécules de cette catégorie de produits accusés de contribuer au déclin des abeilles.
« Nous avons un certain nombre de produits aujourd’hui qui ont été estimés dangereux et qui sont au fur et à mesure retirés du marché, mais (pour) d’autres produits (…) qui n’ont pas de substitutions, nous devons pouvoir autoriser des dérogations pour en permettre l’utilisation afin que nos producteurs continuent à travailler dans de bonnes conditions », a déclaré M. Travert sur le plateau de BFM TV.
Il a pris l’exemple de la carotte des sables, cultivée notamment dans la Manche, département où il est élu député et pour laquelle il n’existe pas de produit de substitution au pesticide utilisé. « C’est ma proposition », a spécifié le ministre, en affirmant alors que l’arbitrage du Premier ministre, Edouard Philippe, n’était « pas rendu ».
Une interprétation immédiatement contestée par Nicolas Hulot, qui, dans un tweet en réponse à ces propos, a assuré que les interdictions de néonicotinoïdes « ne seront pas levées, les arbitrages ont été rendus en ce sens ». « Dès lors que la santé est mise en cause, je ne veux faire aucune concession », a insisté M. Hulot un peu plus tard, devant la presse en marge d’un déplacement à Lyon. Les arbitrages « ont déjà été faits, on ne va pas revenir sur la loi », a-t-il insisté, ajoutant qu’« on ne reviendra pas sur des acquis ».
Macron pour l’interdiction
En février, lors d’un entretien avec le Fonds de défense de la nature WWF, le candidat Macron avait d’ailleurs affirmé lui-même son intention de maintenir l’interdiction des néonicotinoïdes en 2020. Revenir sur la loi actuelle constituerait « un retour en arrière inacceptable pour les citoyens, contre-productif pour les agriculteurs et politiquement rétrograde », a estimé la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), ex-Fondation Nicolas Hulot.
« Il faut que le ministre de la Transition écologique et solidaire bloque ces mesures à tout prix. Si la France a parfois une avance sur la législation environnementale européenne, c’est une très bonne chose », a renchéri François Veillerette, directeur de l’association de défense de l’Environnement Générations Futures, dénonçant « des cadeaux incroyables à l’industrie des produits chimiques », dans un communiqué.
« C’est un projet d’ordonnance contre les abeilles, contre la santé », a critiqué l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho sur RMC. « C’est un coup de force des lobbies comme si Syngenta et Bayer tenaient la plume. C’est inacceptable ». Ces pesticides s’attaquent notamment au système nerveux des abeilles et sont aussi accusés d’altérer le sperme des mâles.
Les dernières recherches confirment le risque représenté par les cultures à fleurs traitées, mais la science a aussi montré que d’autres plantes non ciblées absorbaient ces pesticides, qui se retrouvent dans le pollen, le nectar, le feuillage.