Le Harvest Lab de John Deere a été conçu au départ pour mesurer la teneur en matière sèche du maïs ensilé, de façon continue au niveau de la goulotte de l’ensileuse. Cette information permet à la machine d’ajuster automatiquement la longueur de coupe, dans la fourchette mini-maxi fixée par le chauffeur. On sait en effet que plus le maïs est sec plus il doit être haché court afin d’assurer une bonne conservation. Un réglage automatique se justifie dans les parcelles hétérogènes, où le chauffeur peut difficilement réaliser une modulation manuelle. La cuma de l’Avenir (Maine et Loire) a 4 ans de recul avec le Harvest Lab. Deux éleveurs invités à témoigner par la concession John Deere Agréom se disent satisfaits du système, avec un silo bien homogène et très peu de refus à l’auge. Ils ajoutent que certains de leurs collègues utilisent l’information de matière sèche pour doser précisément l’inoculant, un produit coûteux.
Ajuster la ration
Le Harvest Lab peut être utilisé à poste fixe, moyennant un petit équipement complémentaire (2000 €). Avant la saison, on peut mesurer la matière sèche pour préparer le planning d’ensilage. Après la saison, faire des mesures plus complètes sur le produit dans le silo. L’appareil indique aujourd’hui la matière sèche pour l’herbe, la luzerne et les céréales immatures. Dans un deuxième temps, il a été étalonné afin de fournir des informations complémentaires. Sur le maïs : protéines brutes, amidon et fibres. Sur l’herbe : protéines, fibres et sucre. Elles peuvent s’avérer essentielles pour l’éleveur, qui pourra ainsi calculer sa ration au plus tôt. Paul Nerrière, nutritionniste à la coopérative Terrena, donne un exemple : «Entre 2015 et 2016, les maïs que nous analysons sont passés de 34,9% à 37,1 % de matière sèche et de 0,92 à 0,88 UFV. Une ration 2015 qui permettait une production de 30 litres de lait par jour en 2015 n’en donnait plus que 27,4 en 2016. Dans ce cas, il est important de connaître la valeur de l’ensilage dès que possible pour adapter la complémentation. Les informations données par l’ensileuses sont donc utiles, même si une analyse de laboratoire sur l’ensilage ayant terminé sa fermentation est ensuite souhaitable».
Maintenant le lisier
Plus récemment, John Deere a exploré l’utilisation du capteur dans l’analyse en continu du lisier. Une démarche justifiée, selon Pascal Levasseur, spécialiste des effluents d’élevage à l’IFIP. «La tendance est aujourd’hui à la fertilisation organique de précision. Mais avons-nous les moyens de cette ambition ? Il faudrait d’abord être sûr des valeurs fertilisantes fournies par les analyses». L’enjeu économique est important : «Le prix des engrais fluctue mais en partant d’une valeur moyenne, on peut estimer qu’un mètre cube de lisier de porc mixte vaut plus de 8 euros en équivalent engrais minéral, et ce chiffre dépasse 15 euros pour du lisier de porc charcutier».
Premier écueil pour l’éleveur : « la valeur fertilisante du lisier s’avère très variable, en raison des différences de dilution, de composition des aliments secs et de volatilisation de l’azote ». Des analyses sont donc nécessaires au cas par cas, mais arrive alors le second écueil : l’échantillonnage. «Pour réaliser un bon échantillonnage, il faut théoriquement bien brasser la fosse, prendre du lisier en plusieurs points de la fosse et à plusieurs niveaux de profondeur. Mais nos essais ont montré qu’il est impossible d’obtenir un brassage parfait». Conclusion pour lui : «Il est très difficile de savoir précisément la valeur de ce qu’on épand. L’analyse en continu est une piste à creuser, à condition que l’appareil soit fiable».
Une dose d’azote constante
Sur ce point, John Deere avance progressivement, et ne propose de travailler que sur trois types de produit : lisier de porcs, lisier de bovins et digestat de méthanisation. L’appareil fournit plusieurs informations : matière sèche, azote total, azote ammoniacal, potasse, et phosphore. Le constructeur souhaite d’ailleurs faire valider à l’avenir ses références par un organisme officiel, ainsi qu’il l’a fait pour l’ensilage. La technologie mise en œuvre s’appelle Manure Sensing et fait appel à plusieurs éléments. On part d’une tonne pourvue d’un débit-mètre, sur laquelle on va installer l’analyseur de lisier, moyennent un kit assez simple. Le Harvest Lab peut être emprunté à une ensileuse. A partir de là, on peut réguler, afin d’apporter une dose d’azote constante (cas le plus courant) quelle que soit l’hétérogénéité du lisier. Il est même possible de fixer en plus un seuil à ne pas dépasser sur un autre élément, par exemple le phosphore.
Jouer sur la vitesse
Mais cette régulation est particulière. François Helfter, responsable agriculture de précision pour l’Ouest explique : « Pour garder la rampe à pendillards suffisamment gavée, afin que l’épandage reste homogène sur toute la largeur, on ne peut pas jouer sur le débit. Nous adaptons la vitesse du tracteur, dans une certaine plage ». L’idéal est de disposer d’un John Deere avec transmission à variation continue AutoPowr, mais une full powershift E23 peut aussi convenir. Une console Greenstar 2630 est également nécessaire. Elle pilote alors automatiquement les changements de vitesse d’avancement. Faute de tracteur compatible, elle indique seulement au chauffeur de ralentir ou d’accélérer. En complément, le GPS assure l’autoguidage et la cartographie du chantier (traçabilité). On peut même réaliser des apports modulés. Pour un client équipé à l’avance, la simple adaptation du Harvest Lab sur la tonne et l’accès aux données de référence coûte 10 000 €.