Cette étude réalisée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), adossé à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris, souligne que pour nourrir plus d’habitants de façon plus équilibrée, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole de 40% par rapport à 2010, il faudrait que l’agriculture européenne produise « mieux avec moins ».
Elle prévoit notamment une baisse de 10% à 50% des rendements agricoles moyens actuels selon les cultures.
Le modèle dégagé par l’IDDRI tente de mixer les contraintes climatiques, les enjeux de la production agricole et agroalimentaire, et les préconisations de santé publique internationales.
Les deux chercheurs, Xavier Poux et Pierre-Marie Aubert, admettent néanmoins qu’ils n’ont pas encore étudié la viabilité économique du système pour les agriculteurs et les conséquences pour leur pérennité.
L’étude reconnaît que l’agriculture européenne a amélioré son efficience en termes de gaz à effet de serre (-20% entre 1990 et 2015), mais souligne que le système, basé sur un usage massif d’intrants chimiques (pesticides et fertilisants de synthèse) n’est « pas durable » en face notamment de l’érosion « alarmante » de la biodiversité qu’il a contribuée à générer.
L’agriculture européenne peut respecter les objectifs fixés par les négociations internationales sur le climat, tout en réorientant le régime alimentaire actuel des populations « trop riche et déséquilibré » contribuant à l’accroissement de nombreuses affections (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires…), souligne le document.
« Si l’on produit beaucoup en Europe, on mange également trop et de manière déséquilibrée par rapport aux recommandations nutritionnelles de l’autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ».
Le passage à une « agriculture sans intrants chimiques et comportant une fraction importante de prairies permanentes extensives et autres infrastructures agroécologiques (haies, arbres..) permet d’envisager de front la reconquête de la biodiversité, celle de la qualité des ressources naturelles, et une baisse des émissions » ajoute l’étude.
La réduction de l’élevage intensif porterait surtout sur les familles de « granivores » nourris aux céréales, comme les porcs et les volailles, ce qui permettrait à l’Europe de « cesser d’importer plus de 40 millions de tonnes de soja » par an, et ainsi de réduire la pression sur la déforestation, en Amérique du sud notamment.
Malgré la réduction des rendements, l’Europe agroécologique dégagerait un excédent de production non consommé qui pourrait être valorisé à l’exportation grâce à sa qualité (20% de la production laitière) et sur le vin, précise l’étude.