Il faut s’imaginer le défi: vous avez plus de 45ans, travaillé très dur et réussi vos carrières professionnelles. Vous avez deux enfants dont l’un s’apprête à entrer à l’université, l’autre au lycée. Le tout, près d’Istanbul. Et là, virage à 180°: vous décidez de racheter une ferme normande pour y produire des œufs bio. Habitués à de grosses charges de travail, les membres de cette famille turque ont eu «beaucoup plus de temps que d’habitude pour parler, rêver aussi, pendant la pandémie de Covid19», explique Pinar Tekinsen.
Pinar Tekinsen: «nous travaillons dur pour réduire les risques de notre installation»
«J’ai fait toutes mes études en français, mes enfants sont francophones et nous aimons la France. Nous sommes avec mon mari à mi-parcours, nous avons de l’expérience, nous savons désormais ce que nous ne voulons plus. Et nous ne voulons plus de relations artificielles. Nous voulons vivre à la campagne, travailler auprès des animaux, et avoir des relations professionnelles avec de vraies personnes, des gens normaux, de vrais échanges.»
Le couple achète à distance, toujours en pleine pandémie, une exploitation sur un terrain de 3ha, avec l’aide d’un ami sur place. Et postule à la formation «Tremplin» du Campus Hectar, destinée à tester et consolider les porteurs d’un projet agricole.
«Nous étions partis sur la production de viande bovine, mais nous nous sommes rendus compte que notre surface sera beaucoup trop petite, même si 3ha, c’est très grand en Turquie! Avec notre mentor, nous avons réorienté nos choix vers de la production d’œufs bio. Nous avons réétudié les facteurs de production, le business plan, les charges de travail, les risques, le marché. Nous avons aussi établi des contacts avec des agriculteurs qui nous ont invités à visiter leur exploitation. C’est très rassurant, et nous travaillons dur pour réduire les risques de notre installation.»
C’était dur
Pinar va d’ailleurs continuer à travailler en tant que directrice régionale pour son employeur, une multinationale américaine de vente de logiciels. C’est son mari qui assurera de manière opérationnelle la production. Le couple planifie de fonctionner sur ses fonds propres pendant trois ans. Pinar a d’ailleurs continué à assurer ses engagements professionnels pendant la formation. «C’était dur. Mais vous devez être prêts à avoir ce type d’intensité de travail si vous voulez allez au bout du projet», souligne-t-elle.
Pinar et Gurkan Tekinsen ont dans leurs bagages des capitaux, mais aussi des compétences aiguisées dans la vente, le marketing et de fortes capacités de travail. Ils savent déjà que le recrutement de la main-d’œuvre constitue un gros écueil pour la majorité des exploitations françaises, eux-mêmes envisageant une embauche quelques années après leur installation.
Pinar a déjà repéré les cuma locales. Une fois le cap passé, elle souhaiterait développer d’autres productions sur les 2ha restants. Et elle a bien compris l’intérêt de mutualiser les charges de mécanisation. Alors de loin, oui, cette installation peut sembler extravagante. Mais à l’examen, le projet bénéficie de solides atouts.
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