Abeilles décimées, campagnes vidées de leurs oiseaux, insectes volatilisés… le constat d’un déclin accéléré est sans appel. « La nature nous lance un SOS, un appel à l’aide. La biodiversité se meurt en silence », avait lancé en mai à Marseille le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, en annonçant ce plan dont le contenu doit être dévoilé, et chiffré, mercredi après-midi.
Pour signifier l’ampleur de l’engagement, Edouard Philippe annoncera les mesures entouré de plusieurs ministres, dans la Grande galerie de l’évolution du Muséum national d’histoire naturelle. Il y sera question de gestion des plastiques, de réduction de l’artificialisation des sols, de pesticides.
« Nous allons fixer l’objectif de zéro artificialisation net des sols« , a promis Nicolas Hulot mardi dans un entretien au Parisien. « L’objectif est au minimum de compenser les surfaces artificialisées en désartificialisant des surfaces équivalentes », poursuit le ministre, qui s’engage à lutter contre l’étalement urbain. « L’apogée des grandes surfaces démesurées est derrière nous », assure-t-il.
La défense de la faune et de la flore passera aussi par la création ou l’extension de « vingt réserves nationales d’ici la fin du quinquennat », fait-il savoir. Lundi, lors d’un Facebook Live au côté du chef du gouvernement, Nicolas Hulot avait déjà présenté un objectif de « 100% de plastique recyclés d’ici 2025 » pour ce plan. « La plupart des ministres vont arriver avec leurs propres contributions. On va se mettre en ordre de marche pour que chacun, acteurs politiques, responsables territoriaux, acteurs économiques et citoyens, se penchent au chevet de la biodiversité », a-t-il ajouté.
Soutien au mégacomplexe EuropaCity
Environ 90 mesures sont attendues, à l’esprit d’abord incitatif, plus que contraignant. Selon Le Parisien, un plan national d’actions pour la protection des cétacés devrait être mis en place dès cette année. Autre mesure citée par le quotidien: « les collectivités devront publier les quantités de pesticides utilisés sur leur territoire ». Afin de protéger les océans, le plan prévoit de « supprimer progressivement 12 produits en plastique à usage unique retrouvés le plus fréquemment sur les plages » comme les pailles ou les touillettes…
Edouard Philippe lui-même explique depuis quelque temps qu’il se passionne pour le thème de « l’effondrement » des sociétés, devenue une « question assez obsédante » depuis sa lecture du best-seller éponyme de Jared Diamond. Le livre, qui « ouvre les yeux », « décrit des cas où des sociétés sont confrontées au risque de l’effondrement » faute de prendre assez en compte les limites de leur environnement, a-t-il expliqué la semaine dernière lors d’un forum sur l’agriculture.
Pour « enrayer la disparition silencieuse de la biodiversité », il a confirmé, à ce même forum, l’interdiction du glyphosate dans ses principaux usages d’ici 2021 et pour tous usages d’ici 5 ans. Comme prévu depuis 2016, le recours aux néonicotinoïdes sera prohibé au 1er septembre (avec des dérogations possibles). Et « nous soutenons une extension d’interdiction » aux produits de même famille, a-t-il ajouté.
Le 10 juillet, plusieurs dizaines d’entreprises seront invitées à affirmer leur engagement en faveur de la biodiversité, à l’occasion de l’événement « act4nature« . Mais tout cela sera-t-il à la hauteur? La biodiversité n’en est pas à son premier « plan »: il y a eu la stratégie nationale 2011-2020 avec ses vingt objectifs, les conférences environnementales des années Hollande, la loi pour la reconquête de la biodiversioté de 2016… Et en parallèle le processus de négociations et engagement au niveau international.
A chaque fois, les diagnostics sont posés, des mesures annoncées, dont certaines mises en oeuvre plus vite que prévu comme l’interdiction des pesticides dans les espaces publics. Quand le gouvernement annonce une « pause » dans les grands projets d’infrastructures et abandonne Notre-Dame-des-Landes, il soutient la rocade ouest de Strasbourg, ou le mégacomplexe commercial EuropaCity près de Paris. Dans le même temps, la nature, source de l’alimentation, des médicaments… perd en espèces et en espaces. Et le mouvement s’accélère.
Pour les défenseurs du vivant, il faut engager un changement radical de modèles, agricoles comme urbanistiques, et de profondes réformes, fiscales notamment. Seule façon selon eux de contrer l’impact de l’homme, devenu, selon l’expression du ministre Hulot, « une arme de destruction massive du vivant ».