L’arrêté, très attendu, qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2020, confirmera donc selon des sources gouvernementales les distances mises en consultation publique à l’automne, et recommandées par l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses): cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales et dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes.
Distance portée à 20 mètres pour les produits « les plus dangereux », qui ne représentent toutefois qu’environ 0,3% des substances actives utilisées. Le fameux glyphosate, autour duquel s’est notamment cristallisée la polémique sur les produits phytosanitaires avec des « arrêtés anti-pesticides » pris par des dizaines de maires et systématiquement contestés par l’Etat, n’en fait notamment pas partie.
Parfois 3 m seulement
Les 5 et 10 mètres pourront être réduits, jusqu’à 5 mètres pour l’arboriculture et 3 pour la « viticulture et les autres cultures », sauf à proximité des établissements accueillant des « personnes vulnérables (écoles, hôpitaux, maisons de retraite…).
Ces dérogations nécessiteront l’emploi de matériels de pulvérisation munis de dispositifs spéciaux « anti-dérive » et l’adoption de « chartes d’engagement départementales« . Ces chartes, proposées par les utilisateurs de produits phytosanitaires (organisations agricoles ou gestionnaires d’infrastructures comme la SNCF, grande utilisatrice de glyphosate pour désherber les voies), devront être soumises à concertation publique et validées par les préfets.
Une enveloppe de 25 millions sera par ailleurs prévue pour « accompagner les agriculteurs dans la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires », et les parcelles déjà semées ne seront concernées qu’au 1er juillet 2020.
Enfin, au fur et à mesure que l’Anses va intégrer comme prévu des distances de sécurité dans ses futures autorisations de mise sur le marché, ce seront celles-ci qui s’appliqueront.
Cette décision très attendue du gouvernement a fait l’objet d’un bras fer entre grands syndicats agricoles et environnementalistes. Les premiers dénonçaient une forme « d’agri-bashing », les seconds accusant le gouvernement de s’apprêter à céder aux « lobbies agricoles et l’industrie phytosanitaire ».
Pas consensuel
Le gouvernement, lui, assure avoir cherché « un bon équilibre et à sortir de la logique de confrontation », en « s’en tenant à l’état de la science dans les connaissances actuelles et à l’avis de l’Anses ». Il met en avant les « avancées » que représente le simple fait d’avoir des limitations, présentes dans « très peu de pays en Europe » (Slovénie, Italie ou quelques Lander allemands).
Il avait lancé en octobre une consultation publique sur internet, qui a duré un mois et recueilli plus de 53.000 avis. Avis qui, selon des sources gouvernementales, n’ont fait que confirmer que le « sujet n’est pas consensuel ». La publication de leur synthèse – réclamée par les organisations écologistes – devrait se faire en même temps que le texte sur les distances.
Mais d’ores et déjà les critiques fusent. L’ONG Générations futures, très impliquée sur ce dossier, a annoncé « étudier toutes les possibilités de recours », et dénoncé « des mesurettes qui n’apaiseront en rien les situations locales ». La Fondation Nicolas Hulot a critiqué des décisions qui « ne répondent pas aux enjeux de santé publique et de protection de l’environnement » et demandé au gouvernement de revoir ses positions.
L’association Agir pour l’environnement fustige de son côté « la surdité du gouvernement sur l’urgence sanitaire et environnementale », alors que la Confédération paysanne dénonce des décisions pour « dédouaner le gouvernement de sa responsabilité à protéger la population » et réclame « une vraie politique publique de sortie des pesticides ».
Pour Eric Thirouin, secrétaire général adjoint FNSEA, « ce n’est pas une victoire ». Et de pointer une « incompréhension totale de la mesure de distances incompressibles de 20 mètres, ce qui est le double de ce qui était prévu ». Les membres du syndicat « vont se réunir à la rentrée pour définir une stratégie », a-t-il ajouté.
Le syndicat des industries phytosanitaires UIPP n’a de son côté pas souhaité réagir.
Voir le communiqué de presse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation.