À l’heure où les premiers robots pointent leur nez dans les champs, on peut percevoir le potentiel et intérêt du « modèle économique robot » pour répondre aux nouveaux challenges de l’agriculture: manque de main-d’œuvre, réduction de la pénibilité, tassement des sols, etc. Solution prometteuse, il faut cependant bien vérifier que la technologie s’adapte à son exploitation, repenser son organisation du travail, mesurer les nouvelles contraintes et évaluer concrètement ce qu’on y gagne.
Pas de réception, pas de robot!
«Un audit de l’exploitation en amont de l’achat d’un robot est réalisé afin de valider certains points», explique Mélanie Clément, commerciale chez Naïo Technologies. La conformation et la typologie des parcelles sont-elles adaptées?
Par exemple, en vigne, les zones de demi-tour doivent être suffisamment larges afin que le robot puisse manœuvrer pour se déplacer d’une rangée à l’autre. Les parcelles doivent être assez grandes et planes, avec peu de dévers ou de pente (20 à 30% au maximum). Dans l’idéal, les vignes doivent être palissées. Et un parcellaire regroupé est préférable, afin de limiter le transport du robot d’une parcelle à l’autre.
Au-delà des adaptations techniques et logistiques, l’aspect psychologique est également à prendre en compte. L’agriculteur est-il prêt à modifier ses pratiques, sa façon de travailler et donc à s’adapter ? « On teste l’agriculteur en l’interrogeant. En maraîchage par exemple, on demande s’il est possible de modifier les écartements », commente Mélanie Clément.
« Une appétence pour les nouvelles technologies est un plus mais pas besoin d’être ingénieur informaticien pour utiliser un robot Naïo! » Le smartphone n’est même pas indispensable. En effet, les notifications sont envoyées par SMS et les réglages se font sur l’interface du robot. La prise en main est simple et rapide. Seuls quelques paramètres sont à configurer: le mode (autonome ou manuel), la cartographie (choix de la parcelle) et la vitesse de travail.
Enfin, dernier point essentiel à vérifier, la réception 4G est-elle correcte? Il s’agit d’un prérequis indispensable pour réaliser la cartographie du parcellaire et permettre au robot de se déplacer dans les parcelles. Pas de réception, pas de robot!
Repenser le désherbage
Le contexte environnemental et réglementaire avec notamment la réduction de l’usage des produits phytosanitaires et le retrait à terme de certains produits, le désherbage mécanique est aujourd’hui une problématique majeure des exploitations. La clé de réussite repose sur des passages réguliers et au bon moment (stade physiologique des adventices).
La contrainte mise en avant par les viticulteurs est le manque de temps. En moyenne, 4 à 6 passages d’outils interceps sont nécessaires en agriculture biologique sur la saison. Cette problématique est à relier au manque de main-d’œuvre et à la difficulté de recruter des tractoristes qualifiés.
La robotique représente un enjeu réel pour ce type de travaux. «À moyen terme, les robots seront certainement une solution à intégrer à la stratégie de désherbage. Mais il faudra repenser le travail du sol», indique Bruno Tisseyre, enseignant chercheur en agriculture de précision à SupAgro Montpellier.
En effet, côté énergique, un robot électrique est moins puissant qu’un tracteur. Le travail sera moins dense et moins profond. Avec une intervention plus légère, le robot devra donc passer plus souvent.
«Pour des printemps chauds et humides par exemple, où la pousse de l’herbe est rapide, il va falloir anticiper et déclencher le travail du robot même si l’herbe n’est pas haute. Cela est différent du tracteur, où l’on attend que l’herbe pousse pour passer», explique Bruno.
Modèle économique du robot: optimiser les coûts d’utilisation
À ce jour, un robot ne peut fonctionner que sur le domaine privé. Sa circulation sur des chemins ruraux ou pour traverser une route est interdite. Il doit obligatoirement être transporté. Compte tenu de la réglementation actuelle, un parcellaire regroupé est plus favorable à l’accueil d’un robot. Le partage de ce matériel entre agriculteurs d’un même territoire, au sein d’une cuma, pourrait se révéler intéressant.
Pour optimiser le temps de travail du robot, une organisation en service complet pourrait être imaginée. La prise en main, la maintenance et le transport du robot d’une parcelle à l’autre seraient pris en charge par le salarié de la cuma. Cette organisation permettrait d’optimiser l’utilisation du matériel en bénéficiant d’une personne le connaissant bien. Cela permettrait d’optimiser les coûts d’utilisation.
«Le recrutement ou la fidélisation des salariés est une difficulté pour les cuma. La robotique permettrait de mettre en avant de nouvelles compétences. Elle rendrait le métier de salarié de cuma plus attractif auprès des jeunes», indique Marie-Flore Doutreleau, Chargée de mission agroéquipement à la frcuma Occitanie. Cela peut représenter une opportunité pour les cuma. Le coût du service proposé serait alors maîtrisé par les agriculteurs eux-mêmes.
Technologie prometteuse, la robotique fera sans doute partie de la panoplie d’outils envisageables dans le futur. Filière en plein développement, les constructeurs apprennent et progressent rapidement grâce aux efforts combinés des ingénieurs et aux savoir-faire des agriculteurs qui testent ces technologies. La filière doit rester ouverte aux besoins et aux attentes des agriculteurs. La robotique doit rester une solution au service des agriculteurs, adaptée à la réalité de leurs exploitations et aux impératifs de l’économie agricole.
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