Le tracteur représente à lui seul 40% des coûts de mécanisation d’une exploitation. Si l’on ajoute le carburant, on atteint même les 50%. Levier principal pour limiter cette charge : la solution collective. Encore faut-il vouloir franchir le pas. Et dans ce domaine, les freins psychologiques sont encore nombreux. Il reste difficile de partager un tracteur en groupe. Car au-delà d’une demande d’efficacité, le tracteur répond à des critères affectifs. C’est un signe de reconnaissance de soi, de réussite.
A titre d’exemple, dans les Ardennes, sur 86 cuma que compte le département, seule une petite dizaine possède une section tracteur. Pourtant le partage du tracteur, comme le travail en cuma en général, aurait également des bénéfices sur la santé des agriculteurs. «Les études sur ce point ne sont plus à prouver, assure François-Régis Lenoir, agriculteur ardennais et psychologue. Les échanges, se confronter à la différence et à la nouveauté durant toute sa vie sont les meilleures préventions.»
Travailler en groupe, cela s’apprend !
Spécialiste des risques psycho-sociaux, François-Régis Lenoir met en avant l’intéret humain de travailler en cuma. «L’équipe, les collègues, le groupe, partager, débattre, se former, créer du lien, c’est tout ce qui va permettre de faire tampon entre nous et notre environnement et faire retomber la pression.» Un apport indéniable sur la qualité de vie et sur le bien-être au travail. Mais seule condition pour que cela soit possible, précise le psychologue, «se former». «On est tous différents, on a tous une vision du travail bien fait. Alors déléguer, travailler ensemble, cela s’apprend. Négocier, gérer les conflits, savoir communiquer…»
Une bonne communication entre les adhérents est en effet primordiale pour qu’une cuma fonctionne. «Il faut se réunir régulièrement pour faire le point sur ce qui va, ce qui ne va pas», témoigne Jean-Hugues Ravillon, agriculteur à Baye dans la Marne. La section traction de sa cuma compte aujourd’hui une centaine d’adhérents et pas moins de dix tracteurs. «On a surtout appris de nos parents qui travaillaient déjà ensemble, explique-t-il. On avait un tracteur au départ. On a évolué progressivement. Il faut que la confiance s’installe, il n’est pas toujours évident de laisser les autres faire le travail à notre place.»
Une baisse sensible des coûts de mécanisation
La cuma des Quatre Cantons, dont sont membres Dominique Faucheron et Philippe Cornet, a créé une section tracteur en 2013. «On partageait le même problème: un manque de puissance de traction sans la possibilité d’investir sur nos exploitations», explique l’agriculteur. Ils ont acheté en commun deux tracteurs, puis un troisième. Un quatrième est en location. Une vraie dynamique de groupe s’est installée. «La section tracteurs apporte plus d’effets de fonctionnement en groupe que les autres matériels», explique Philippe Cornet.«Cela demande de l’organisation, mais cela nous permet d’avoir de la souplesse dans le travail, plus de confort et de sécurité. On a surtout constaté une baisse sensible de nos coûts de mécanisation, constate l’agriculteur ardennais. En plus de l’effet groupe, relationnel, qui lui n’est pas forcément quantifiable mais qui apporte beaucoup.»
D’autres sont allés encore plus loin en proposant à leur adhérents un service complet : matériel + chauffeur, pour chacune des sections. C’est le cas de la cuma de Denis Cousina.
La cuma de la Romagne est une cuma intégrale, composée de cinq exploitations de polyculture élevage. «Cela permet une meilleure optimisation des compétences de chacun, on apprend des autres, souligne Denis Cousina. C’est aussi savoir déléguer. Et quand on voit les rendements obtenus, on est vite convaincu!»
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