Forte de ses 11 milliards d’euros d’excédents commerciaux, la viticulture française entend faire passer un message sur la politique agricole commune (PAC) qui doit être réformée d’ici 2020: pas question de changer ou de revenir sur un modèle qui marche, et qui a failli disparaitre en 2012.
« Nous voulons rappeler à M. Hogan que la viticulture française souhaite garder les outils de compétitivité uniques dont elle dispose grâce à l’Europe et à sa politique agricole commune » a déclaré à l’AFP Bernard Farges, président de la CNAOC, qui rassemble les 17 régions viticoles productrices de vins à appellations, soit 70% du vignoble français.
Se déclarant « très heureux de recevoir le Commissaire pour la première fois », il a fustigé en revanche l’absence prévue du ministre de l’Agriculture Stéphane Travert à ce sommet du vin français. « C’est dommage et très regrettable, c’est un très mauvais signal », a-t-il estimé.
Le vin, dernier secteur régulé
Depuis la suppression des quotas de lait en 2015, et de sucre cette année, le vin reste le dernier secteur agricole en Europe à être régulé par des quotas de production, que la Commission précédente n’est pas parvenue à abolir lors de la renégociation de la PAC en 2012. Depuis cette date, la viticulture reçoit chaque année quelque 280 millions d’euros d’aides communautaires.
Les subventions portent sur l’aide à la plantation de cépages pour la transformation du vignoble, l’aide à l’investissement pour l’amélioration de la qualité environnementale du matériel de chai, à la promotion commerciale vers les pays non européens. Et enfin, au recyclage des sous-produits de la vigne, comme le marc.
En échange, la viticulture est régulée et contrôlée par un double dispositif: contrôle des surfaces plantées en amont, et contrôle sur le rendement (en hectolitre de vin produit à l’hectare) en aval. Ce système empêche ainsi les crises de surproduction traversées dans le passé avec leur cortège de chute des cours, et d’arrachage massif de vignobles.
« Nous ne voulons pas d’aide à l’hectare, comme dans le reste de l’agriculture, ce serait du saupoudrage qui risquerait d’entretenir sous perfusion des entreprises structurellement non rentables », assène M. Farges, lui-même viticulteur à Mauriac en Gironde, dans un domaine de 45 hectares.
Malgré les récents retards de paiement des aides européennes aux agriculteurs, malgré la complexité « tatillonne », parfois ubuesque, des questionnaires administratifs en ligne à remplir avant d’obtenir le premier centime d’aide, M. Farges se dit « très attaché » au outils européens spécifiques à la vigne.
Protéger les indications géographiques
« Des gens excédés, il peut y avoir partout » dit-il, « mais il y a peu de secteurs qui dégagent autant d’excédents que la viticulture en France », fait-il valoir.
Les vignerons français demanderont en revanche au Commissaire un renforcement du système de protection des vins à indications géographiques (IG) en cas d’accords commerciaux internationaux, car l’UE mène actuellement une vingtaine de négociations commerciales en parallèle, du Japon au Mercosur, en vue de possibles traités de libre-échange.
Ils souhaitent aussi régler plusieurs problèmes lors du règlement « Omnibus » cet automne, un accord d’ajustement intermédiaire prévu avant la renégociation globale de la PAC. En particulier, obtenir l’interdiction de transférer d’un vignoble à l’autre des droits de plantation, comme cela a été le cas récemment entre des régions en crise du sud ou de Loire, et Cognac, en plein boom, pour ne pas risquer de déstabiliser plus tard Cognac.
Les vignerons demandent aussi que la franchise pour le déclenchement de l’assurance-récolte puisse être abaissée à 20% de pertes, au lieu de 30% en cas d’intempérie. Actuellement, seuls 25% du vignoble français est assuré. Si la franchise était abaissée, cela inciterait d’avantage de viticulteurs à s’assurer, explique M. Farges.