La création d’une cuma s’inscrit, en toute logique, dans une double dynamique: une volonté – ou une nécessité – d’investissement, et la mise en œuvre d’une démarche collective. Celle de de la cuma de Sainte-Bazeille-du-Mirail, à quelques encablures de Marmande, en 1991, ne déroge pas à la règle. Concernant la démarche collective, les choses coulent de source. Le groupe était de facto déjà constitué. La cuma est issue en effet d’un gaec familial – le gaec du Mirail -, dans le cadre de sa stratégie de développement. «La création de la cuma coïncidait avec la construction de serres en verre pour la culture de tomates hors-sol. Et il fallait en outre s’équiper en matériel spécifique», explique Thierry Cambe, l’actuel président.
Pérenniser l’activité aval
Mais la première étape passera avant tout par une évolution des formes juridiques de l’exploitation. Avec d’abord la création d’une Earl qui constituera avec le gaec les premiers adhérents de la cuma, puis la transformation du gaec lui-même au début des années 2000 en Scea puis en Earl. D’autres Earl seront créées au fil des ans et des besoins, dans la même logique toujours de proximité familiale – frères, beauxfrères, neveux, cousins… –
«Elles répondaient à la fois à l’évolution de l’activité des différentes cultures, sous serres ou en plein champ: tomates, fraises, salades pour l’essentiel, mais aussi aubergines et, dans une moindre mesure, vigne, céréales ou arbres fruitiers, ainsi qu’aux besoins croissants en nouveaux outils.» La cuma bénéficie ainsi d’un parc conséquent, aussi bien pour le travail sous serres (trois tracteurs vergers et vignerons, rotobêches, cultirâteau, dérouleur plastique, atomiseur automoteur, chariots de récolte, etc) que pour l’extérieur (deux tracteurs 110 cv, matériel de travail du sol).
La cuma dispose également de trois remorques plateaux, quatre remorques bennes, et divers petits matériels (tronçonneuse, débroussailleuse). Elle assure par ailleurs l’irrigation plein champ. «Le chauffage des serres avait lui aussi été géré en commun, avant d’être repris en direct par les Earl à l’occasion de son extension.»
Aujourd’hui, la cuma de Sainte-Bazeille compte 17 adhérents à travers un ensemble diversifié de structures: 8 Earl, 1 Scea, 1 Sca, spécialisées dans le maraîchage et issues du groupe originel, à côté de 2 Gfa, 1 Sas, 1 Sci et 3 adhérents en nom propre. Ces derniers proviennent de la cuma voisine de Roustau-Thivras, créée pour l’exploitation de plantations de peupliers dans la plaine de Garonne, avec une gestion du foncier via les Gfa, dont l’activité a été reprise par la cuma de Sainte-Bazeille en 2009.
«Cette cuma, liée à une société de fabrication de cagettes et d’emballages pour les productions locales, était pratiquement en cessation d’activité. Compte tenu de son implication dans l’aval de la filière maraîchage, il a été décidé, avec l’appui de la fdcuma, d’intégrer ses adhérents avec son matériel.» En l’occurrence, et pour l’essentiel, un tracteur avec nacelle pour l’élagage et un tracteur avec cover-crop.
Gain de temps
« Au-delà de l’investissement en matériel, la cuma a permis de mettre en œuvre une politique de mutualisation du travail, à l’exception de la gestion des peupliers, » souligne Thierry Cambe. «Chacun travaille sur une production spécifique pour l’ensemble des adhérents.»
Lui-même assure ainsi l’ensemble des chantiers concernant les fraises hors-sol et la partie plein champ, mise en place des cultures, semis, récolte. Des chantiers assurés avec l’aide de deux salariés permanents en groupement d’employeurs sur l’ensemble des Earl, auxquels s’ajoutent un nombre variable de saisonniers.
Thierry Cambe s’occupe en outre de la gestion du matériel et de sa maintenance. Un autre adhérent, cousin de Thierry, a pris en charge les cultures de salades, un troisième celles des tomates. En parallèle, les diverses cultures ont fait l’objet, sur le plan spatial, d’un regroupement. Les serres destinées aux fraises et celles pour les tomates ont été installées à proximité les unes des autres sur des sites dédiés. Idem pour les salades sous abri. Et les terres pour les cultures plein champ ont elles-mêmes été mutualisées.
«Cette organisation, progressive, par filière de production, a été largement facilitée par la bonne entente préalable entre adhérents du fait de cette proximité familiale, reconnaît Thierry Cambe. Mais cette rationalisation se traduit par un gain de temps conséquent avec la maîtrise, par chacun, des cultures dont nous avons la responsabilité.» Un bilan positif qui se traduit par une diversification avec la plantation de 25 ha de noisetiers, et d’autres investissements à la clé. «Nous allons acheter un atomiseur et un broyeur pour le bois de taille dès cette année, et une récolteuse d’ici deux à trois ans.»
Partenariat avec Véolia pour le chauffage de serres Deux adhérents de la cuma de Sainte-Bazeille, Christian Menegaldo et Bruno Toppan, et deux autres producteurs ont créé quatre autres Earl, dans le cadre d’un programme en partenariat (hors cuma) avec Véolia. Celui-ci se traduit par la création de 4 ha de serres en verre (4 ha supplémentaires sont prévus à court terme) pour la production de tomates commercialisées sous la marque Rougeline, à Lapouyade, en Gironde. A l’origine du projet, Véolia cherchait des utilisateurs pour valoriser la chaleur produite par un dispositif de co-génération. Le biogaz produit par un centre d’enfouissement d’ordures ménagères, d’une capacité de 400.000 t, est utilisé pour la production d’électricité. «Le contrat, prévu pour une durée de 20 ans, prévoit la fourniture de thermies destinées au circuit de chauffage des serres, avec une température de l’eau à 80°, explique Christian Menegaldo. Les réalisations du réseau depuis le site de co-génération, 1,6 km en souterrain, et de l’échangeur pour les serres, ont été financées et sont gérées par Véolia. Après un démarrage des travaux en 2015, les premières productions sont intervenues en 2016. «L’intérêt de cette opération réside dans la possibilité de disposer de thermies à très bas coût, alors que le chauffage des serres demeure le deuxième poste de dépenses après la main-d’oeuvre, 1,5 €/MgW seulement ici, contre 28 €/MgW à Sainte-Bazeille.» |