L’installation de nouveaux agriculteurs fait consensus en tant que sujet-clé pour l’avenir de l’agriculture. La question était d’ailleurs en débat par une belle brochette d’experts lors du Congrès national des cuma qui s’est déroulé début juin.
Deux visions pour un débat
Deux visions se sont clairement entrechoquées: celle de petites exploitations, rentables mais aussi « vivables » au sens où l’entendent les nouvelles générations, c’est-à-dire conformées pour pouvoir se dégager du temps et une certaine qualité de vie.
Et celle de grandes exploitations, où des chefs d’entreprise évoluent dans un environnement plus technologique, vers davantage de délégation et des revenus élevés.
Ces deux visions sont-elles incompatibles? Dans quelle mesure les cuma peuvent-elles accompagner les deux?
Carte blanche à l’essayiste Olivier Babeau
En premier lieu, l’essayiste Olivier Babeau, plutôt libéral sur l’échiquier des idées, a déroulé lors d’une séquence « carte blanche » une brillante présentation.
Un contrepoint intéressant dans une salle plutôt acquise à la coopération et à l’économie sociale et solidaire. Et où nombre d’agriculteurs installés sur des exploitations de type familial ont dressé l’oreille.
« Depuis deux ans ont resurgi une pandémie mondiale, la guerre aux portes de l’Europe et le spectre de la famine », a pointé Olivier Babeau.
Le débat de la sécurité alimentaire
« Historiquement, la sécurité que nous avons atteinte est toute récente. Elle a été permise par les progrès médicaux et la révolution de la productivité agricole. Aujourd’hui, on plafonne. Revenir en arrière, c’est choisir qui on nourrit », a-t-il martelé. « Cela fait trop longtemps que l’on prend la sécurité alimentaire pour acquise. »
« Nous entrons dans une crise de civilisation majeure, nous sommes au début d’une exponentielle, » a-t-il prédit. « Nous vivons un moment d’accélération inouï. Les deux composantes de l’incertitude sont le rythme et la complexité, » a-t-il posé.
« La Nature est bonne »
Avant de développer les deux visions du travail qui s’opposent: « l’idée civilisationnelle que l’on ne peut s’en tirer que par le travail d’un côté. Et de l’autre, le retour au mythe du Bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau. Le fait que la Nature est bonne. Et bien, allez voir comment vivaient nos aïeux, » a-t-il plaisanté. « En réalité, nous avons déjà modelé le monde. »
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« Quand un agriculteur arrive, on lui dit qu’il empoisonne le monde. C’est absurde, il agit pour sécuriser l’alimentation. Le défi pour les agriculteurs va consister à redevenir attractifs et à arriver à faire revenir des jeunes. »
Pas que des moines-soldats
Interrogé sur ce point par la journaliste Sophie Voinis, qui animait la séquence, Olivier Babeau a répondu de manière précise.
« L’agriculture de demain sera plus professionnelle, plus technologique. Il faut redonner un modèle économique solide, car l’essentiel du problème d’attractivité repose sur la question des revenus. Si vous comptez à l’heure, la profession agricole n’est pas attractive. »
« On ne peut pas compter que sur des moines-soldats. En France, on a encore des tailles d’exploitations moyennes, plus petites qu’ailleurs en Europe. La taille des exploitations va devoir augmenter, il y aura moins de monde dans les exploitations et de plus en plus de techniciens. »
Si l’analyse, qui visait à restituer l’aspect capital de la production agricole, a remporté beaucoup de suffrages dans la salle, ces conclusions ont provoqué moins d’adhésion.
Le débat qui s’est amorcé ensuite a permis de nuancer le propos, et a permis aux questions et remarques de s’exprimer.