Et une proportion encore très importante d’exploitations individuelles, « même si l’installation en sociétariat gagne du terrain », souligne-t-elle.
Petite exploitation, avenir incertain
« C’est un moment charnière, où les organisations professionnelles agricoles ont à se saisir pour ne pas faire ‘une agriculture sans agriculteurs*’, c’est-à-dire favoriser la reprise sans installation », analyse-t-elle lors de son intervention à l’AG.
En sachant, indique-t-elle également à la salle, qu’une grande partie des agriculteurs de plus de 60 ans n’ont pas encore de certitude sur le devenir de leur exploitation dans les trois ans. « Plus l’exploitation est petite, plus ce devenir est incertain », résume-t-elle.
L’analyse des candidats dans les points Accueil installation des chambres d’agriculteurs qui accueillent 21 000 personnes par an en moyenne, pour environ 14 000 installations, laisse apparaître des profils plus féminins, plus qualifiés, davantage de hors-cadres familiaux et une appétence pour le bio.
« Attention aux « fantasmes » »
« Les trajectoires de pré-installation se diversifient, avec des origines sociales plus variées, des détours professionnels qui ont un impact sur la manière d’envisager le métier, les rapports au territoire », indique Caroline Mazaud.
Les témoignages proposés par le réseau cuma (comme ceux de Ludovic Bouchan et Philippe Cabé, à lire en p. 16) lors de cette séquence, l’ont d’ailleurs faite réagir.
Elle trouve en effet intéressant, par rapport aux nouveaux profils qui apparaissent dans les témoignages, « de prendre de la distance par rapport aux fantasmes qui peuvent exister à propos des « héritiers », ou des Nima (pour « personnes non-issues du monde agricole »), l’accès au foncier ou à la difficulté de s’intégrer ».
« On voit là des expériences qui permettent aux différentes parties de faire connaissance, poursuit-elle. Il y a une rencontre, mais la distance n’est pas si importante que l’on croit. Et les « Nima » ne viennent pas forcément d’aussi loin que l’on croit », conclut-elle, en référence aux cercles familiaux élargis et amicaux dans lesquels évoluent les agriculteurs qui souhaitent transmettre leur exploitation.
2 000 répondants déjà
Dans cette veine, l’ESA porte depuis mars 2024, pour une durée d’un an, un projet de recherche visant à analyser les réponses d’un nombre maximal de nouveaux installés entre 2018 et 2022.
Objectif de cette enquête, envoyée à 28 000 personnes: apporter des réponses aux questions suivantes:
Dans quels environnements les nouveaux installés ont-ils grandi ? Quelles formations ont-ils suivies et sur quelles compétences peuvent-ils alors s’appuyer ? Quelles ressources, quels réseaux cela permet-il de mobiliser au moment de l’installation ?
La MSA et la chambre d’agriculture de France sont associées, notamment, pour la diffusion de cette enquête.
« Avec cette évolution des profils des nouveaux agriculteurs, argumente l’équipe de chercheurs aux côtés de Caroline Mazaud, ce sont aussi les projets agricoles et les façons d’exercer le métier qui se diversifient. »
« Quels sont donc les effets de ces expériences professionnelles sur l’exercice du métier d’agriculteur ? Agrinovo entend éclairer cette question en croisant les trajectoires suivies par les nouveaux installés avec les choix opérés une fois installés, sur le statut juridique, le rapport à la propriété, la pluriactivité et les activités de diversification agricole éventuelles, le rapport au salariat et division du travail, le rapport au temps libre, les engagements professionnels et locaux… »
Rationaliser avec des connaissances précises
Au-delà, les connaissances produites par cette large enquête visent à éclairer les acteurs professionnels autour de deux enjeux majeurs : l’attractivité du métier, avec des sujets tels que les parcours pré-installation, et les projets professionnels de ces nouveaux agriculteurs. Mais aussi les conditions d’entrée dans la profession, pour savoir comment ajuster les dispositifs d’accompagnement à cette diversité des trajectoires.
« Beaucoup d’idées reçues circulent sur le profil des héritiers, qui seraient identiques d’une génération à l’autre, comme sur ceux des néoagriculteurs a priori très éloignés des mondes ruraux. Nous entendons produire de la connaissance précise sur les trajectoires suivies par les nouveaux entrants et la manière d’exercer le métier d’agriculteur », précise Caroline Mazaud. Plus de 2 000 personnes ont déjà répondu à cette enquête, dont les résultats sont attendus pour cet hiver.
(*) En référence à l’ouvrage pour reprendre les termes de l’ouvrage de François Purseigle et Bertrand Hervieu.
Pour toute information, contactez [email protected]
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