Dense journée près d’Angers pour tous les conseillers. Le 22 septembre 2016, tous les bureaux des fédérations de cuma de l’Ouest se sont vidés de leurs âmes: elles ont convergé vers le Maine-et-Loire pour la première journée du séminaire des salariés. L’agroéconomiste Jean-Marie Séronie en était l’invité principal, notamment pour dresser le portrait du conseiller de demain. L’agriculture évolue, les hommes changent, parfois «l’agriculteur s’y connaîtra mieux que le conseiller», pour autant, «ce n’est pas pour cela qu’il n’aura pas besoin de conseil.» Première nouvelle rassurante pour l’assistance, mais il y a des mais. «Avant, pour être agriculteur, il fallait prendre les bonnes décisions techniques, être un bon chef d’atelier. Maintenant, ils doivent aussi être de bons chefs d’entreprise. C’est là que le métier de conseiller prend tout son sens.»
Le métier de conseiller évolue
Car selon l’ancien dirigeant de centre de gestion, le métier de conseiller consiste à amener le conseillé à se poser les bonnes questions en rapport avec ses propres objectifs et par rapport à son environnement. «On n’est plus sur un apport des données extérieures», car désormais, en tapant sa question technique dans un moteur de recherche, l’agriculteur les obtient immédiatement. «Avoir des connaissances sur le fondement technique reste une base incontournable mais ce n’est pas ça qu’on pourra valoriser», lance Jean-Marie Séronie. Le conseiller doit apporter «un regard sur les données de l’agriculteur.» Les interventions deviennent plus stratégiques. L’expert illustre: avec la volatilité qui caractérise les prix agricoles, le phénomène n’est plus à démontrer, «il y aura un besoin d’accompagnement technico-économique plus fort.»
Du modèle diffusionniste descendant à la coproduction de l’innovation
Quant au développement, le modèle diffusionniste, où le monde de la recherche crée l’innovation qui se diffuse via des organismes puis des pionniers, est remplacé par un système de coproduction de l’innovation. Et Jean-Marie Séronie d’illustrer : «Les TCS ou l’agriculture biologique ne sont pas des mouvements initiés à l’Inra ».
Comme les banquiers vendent des voitures ou les garagistes des crédits, le gâteau du conseil agricole, au partage historiquement bien régulé, entre dans une logique de marché où l’agriculteur choisit avec qui il veut travailler. «Les gens qui faisaient de l’économique font du conseil technique, et inversement.»
Dans ce marché, le conseil devient payant
S’il n’a pas vocation à disparaître, le métier de conseiller agricole va donc continuer d’évoluer et, sans même parler des nouveaux entrants (de l’indépendant à la firme numérique incontournable) qui mettront les pieds dans le marché, le paysage change et les organismes sont bouleversés. «On passe d’un conseil subi et gratuit à un conseil choisi et payant ». Car quelle qu’en soit la raison, le conseil financé par autre chose qu’un prix de la prestation de conseil (c’est-à-dire par des subventions, de la vente de marchandises…) est une espèce menacée de disparition. Et ce n’est donc pas gagné pour tout le monde, car faire payer au juste prix son conseil est culturellement compliqué pour certains organismes, et surtout pour leurs clients.