La récolte est une étape cruciale. En effet, le choix du stade de récolte, des matériels et de leurs réglages vont conditionner la quantité et la qualité du fourrage récolté. Pour des stades jeunes (début bourgeonnement pour le 1er cycle et des repousses de 30 à 40 jours), la luzerne présente de bonnes valeurs alimentaires sur pied (>0,75 UFL/kg MS et >19% MAT). Tout l’enjeu de la récolte est donc de préserver ces qualités et de récolter le fourrage à une teneur en MS adaptée au mode de conservation.
Le choix d’un mode de récolte/conservation se raisonne selon plusieurs critères parmi lesquels les conditions climatiques, le temps de travail, la disponibilité en matériels et infrastructures de stockage, la quantité de fourrage et le coût.
Préserver les feuilles
A la fauche, le choix de matériels et l’adoption de réglages peu agressifs permettent de limiter les pertes de feuilles. Avec une conditionneuse à doigts ou à fléaux, des pertes importantes dès la fauche ont été constatées à plusieurs reprises lors d’essais réalisés par Arvalis. Notons également qu’une part non négligeable de feuilles de luzerne se détachent des tiges et restent piégées dans l’andain. Si aucune intervention mécanique n’est réalisée entre la fauche et la récolte (cas de l’ensilage par exemple), les pertes ultérieures seront très limitées. En revanche, si le fourrage est fané ou l’andain déplacé, une part importante des feuilles « libres » seront perdues au sol.
Les faucheuses à plat et à rouleaux demeurent des outils adaptés à la fauche des légumineuses.
Quelle que soit la faucheuse utilisée, l’étalement du fourrage permet une vitesse de séchage supérieure à la dépose en andain étroit. De fait, les faucheuses classiques à plat étalent le fourrage sur plus de 70% de la surface de fauche. Sur conditionneuse, l’ouverture des volets ou l’utilisation des dispositifs d’épandage large permettent d’exposer davantage le fourrage au vent et aux rayons du soleil et accélèrent ainsi sa dessiccation.
L’ensilage
Contrairement aux graminées prairiales ou au maïs plante entière, la luzerne se distingue par une faible teneur en sucres pourtant nécessaires aux fermentations lactiques dans le silo et donc à la stabilisation du fourrage.
Par ailleurs, la luzerne présente des teneurs élevées en protéines et minéraux qui renforcent la difficulté d’abaisser le pH du fourrage ensilé. Pour compenser cette insuffisance d’acidification tout en garantissant une bonne conservation du fourrage, il est nécessaire de préfaner le fourrage à 45-50% de MS. En deçà de 40% de MS, la qualité des protéines est fortement dégradée car elles se solubilisent. Dans un ensilage mal conservé, la teneur en azote soluble (azote non protéique) peut atteindre 75% de l’azote total initialement présent. Ces ensilages se caractérisent souvent par une odeur d’ammoniac très prononcée et écœurante. L’ingestion et la valeur protéique du fourrage seront ainsi pénalisées. Une mauvaise conservation peut diminuer la valeur PDIN et PDIE respectivement de 15 et 30%.
En raison du taux élevé de MS auquel il est conseillé d’ensiler, la porosité, c’est-à-dire la place occupée par l’air dans le silo, est importante. La confection du silo par couches fines (~15 cm) par des engins lourds (lestés) permettra de réduire cette porosité. A la reprise, seule une avancée rapide du front d’attaque permettra de conserver les propriétés du fourrage. Le dimensionnement du front d’attaque devra permettre d’avancer d’au moins 20 cm par jour. Une densité moyenne de 180-200 kg de MS/m3 pourra être prise afin de dimensionner le silo.
L’enrubannage
Entre le foin et l’ensilage et très adapté au chantier de petite taille, l’enrubannage est une alternative intéressante. Atteindre une teneur élevée en MS au pressage permet de s’affranchir des difficultés de conservation de la luzerne. Une teneur en MS homogène et proche de 60% est recherchée pour préserver les qualités du fourrage.
En tout point de la balle, la teneur en MS doit être supérieure à 35% pour prévenir le développement des butyriques. En 2015, Arvalis a montré une augmentation de densité des balles de luzerne de 11% entre un pressage à 43% MS et un pressage à 63% de MS (en balles rondes). Ceci contribuant ainsi à réduire les coûts.
Egalement au service de la qualité du fourrage, l’utilisation de presses à chambre variable permet d’atteindre des densités supérieures à leurs homologues à chambre fixe. Enfin, le dispositif de hachage « rotocut » permet d’accroître les densités et sécurisent la conservation. En chambre variable avec hacheur, des densités proches de 200 kg de MS/m3 ont été constatées par Arvalis en 2015. Une teneur en MS et une densité élevées garantissent ainsi la bonne tenue des balles durant l’entreposage.
Le défaut majeur de l’enrubannage reste bien souvent la difficulté de maintenir le film plastique intègre, pourtant seule barrière à l’oxygène. Bien que l’utilisation du liage filet et l’application de huit couches permettent de réduire sensiblement le risque de perforations, c’est bien souvent la dépose de la balle filmée sur les chaumes rigides qui occasionne le plus de trous. Pour cette raison, l’enrubannage sur le site de stockage sur une surface adaptée limite le risque de perforation et le nombre de manipulations après filmage. Lorsque l’enrubannage est réalisé au champ, que ce soit en combiné presse-enrubanneuse ou en décomposé avec une enrubanneuse « classique », la dépose de la balle doit impérativement se faire à l’arrêt pour éviter de cisailler et perforer le film.
Le foin
En foin, l’enjeu est de préserver les feuilles. Elles sont riches en protéines et très digestibles. Tout commence dès la fauche. Plus encore que pour l’ensilage et l’enrubannage, l’utilisation d’une faucheuse conditionneuse à doigts ou à fléaux est à proscrire.
A chaque étape de l’itinéraire, le choix des heures d’intervention en lien avec la teneur en MS du fourrage et les réglages des matériels vont être déterminants. Le fanage et l’andainage, lorsque nécessaires, devront se faire sur un fourrage réhumidifié. En 2013, Arvalis a montré que la réalisation des opérations de pré-andainage et d’andainage le matin permettait de restreindre la perte de protéine à 0,4 point de MAT. Ces mêmes opérations réalisées l’après-midi, sur des feuilles cassantes, ont engendré une perte de protéine de 1,8 point de MAT.
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Pour en savoir plus sur la luzerne, le Guide Entraid « Luzerne, de la culture à la récolte »