«Nous pouvons le faire parce que nous sommes en cuma.» La phrase est signée d’un agriculteur de l’Isère. Yves François était invité à témoigner de son expérience aux entretiens de l’AEI1, à Angers. Un des éléments fondateurs de la cuma de la plaine de Faverge est certainement «la mise en commun des assolements de maïs semences.» Le groupe de quatre membres cultive une centaine d’hectares, en banque de travail, avec du matériel collectif. La rémunération étant à l’hectare, tout est mutualisé pour cette production.
Jugeant que c’est économiquement efficace, l’agriculteur s’en montre satisfait. Au-delà, les bénéfices qu’il tire de la dynamique collective, sont nombreux et conduisent l’agriculture locale sur des terrains divers. «L’alimentaire reste et doit rester notre premier métier, mais la transition énergétique fait aussi partie de l’agroécologie», et les groupes facilitent les essais et initiatives.
Valoriser les complémentarités
Yves François constate que la diversité aussi fait avancer: «Nous avons un éleveur d’ovins dont le troupeau vient pâturer les cipan des céréaliers. Nous avons aussi la chance d’avoir des producteurs bio.» Cela permet des transferts technologiques. L’an dernier, «nous avons fait un désherbage mécanique sur soja. C’était possible car nous avions le matériel dans le groupe et des collègues qui savaient faire.»
D’une manière générale, «la cuma nous permet d’accéder à du matériel que nous ne pourrions avoir individuellement.» L’agriculteur cite l’investissement pour un pulvérisateur avec coupure de tronçons à 170.000€, ou de l’équipement en guidage RTK, «que nous sommes peu d’agriculteurs à avoir dans la région».
La relation humaine, investissement n°1 pour un groupe qui dure
La cuma créée en 1991 voit aujourd’hui ses dirigeants changer de génération. «Nous sommes toujours là» et la transmission d’un outil qui fonctionne est une satisfaction pour l’agriculteur. Il analyse : «Le meilleur investissement que nous ayons fait, est celui dans les relations humaines, d’avoir pris du temps au départ pour ça.» Il illustre: «Nous nous sommes formés à la PNL», parce que communiquer pour travailler ensemble, «ça s’apprend.» Un conseil aux jeunes? Fort de son expérience, il constate que les conflits ne s’évitent pas mais les gérer fait avancer.
Travailler en groupe, c’est moderne
Pour fonder un groupe tel qu’une cuma, «il y a un coût en ressource humaine. L’économie collaborative, ce n’est pas de l’improvisation, c’est un investissement», réagit Michel Griffon. L’agronome et président de l’association AEI soutient la pertinence de cet investissement: «Mettre en commun ce qui coûte le plus cher restera une solution intéressante». Force est de constater que la modernité apporte des solutions plus qu’elle ne remet en cause la logique: «Dès que les téléphones portables sont apparus, nous nous sommes équipés», se souvient Yves François, tout en observant qu’il y a eu maintien de la régulière réunion du lundi matin. Aujourd’hui, dans sa cuma, pour le planning des matériels, «nous allons passer à cumagenda, ce qui va encore faciliter la gestion quotidienne et l’enregistrement». Le groupe sera «plus précis» dans son organisation où la relation humaine reste au centre de tout.