« Le management, ça s’apprend », notait François Marque lors du Forum Emploi en Cuma de 2014, en Aveyron. Consultant au sein de l’entreprise Isocel, il a travaillé avec les Cuma notamment en Midi-Pyrénées, dans le cadre du programme de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Sa comparaison avec l’apprentissage du ski a fait sourire les animateurs « emploi » des fédérations, qui constituaient l’essentiel des participants. Toutefois, réaliser qu’il s’agit d’une compétence réelle, à travailler, constitue la première étape dans la gestion d’un salarié… et éventuellement d’une équipe. Car « une cuma qui a goûté à l’emploi a du mal à faire machine arrière», et celles qui sautent le pas du premier emploi envisagent souvent d’aller plus loin. En général, c’est quand la solution est là, quand le salarié est embauché, que le besoin émerge et non l’inverse », précise le consultant.
Préciser les estimations
En pratique, quantifier les gains apportés par un salarié, et les besoins réels des adhérents, font partie des plus gros obstacles à lever pour ceux qui souhaitent voir un salarié dans la Cuma. « Le coût de la main d’œuvre est facile à calculer, on prend le salaire mensuel chargé, on multiplie par 12 et on a la dépense pour la Cuma. Le gain que génère la main d’œuvre, il faut passer par des différentiels : un meilleur taux d’utilisation des moyens, une meilleure planification, une meilleure qualité du travail, un moindre recours aux entreprises extérieures… ». Même frilosité lorsque les Cuma sondent les besoins de leurs adhérents. Il y a en général confusion entre l’expression des besoins et engagement contractuel, ce qui aboutit généralement à une sous-estimation du temps de travail nécessaire. Et en aval, à l’impression que l’arrivée du salarié précède de peu l’émergence des besoins des adhérents.
Installer la bonne distance
Une fois ces obstacles levés, reste à choisir un responsable du ou des salariés, mais il incombe aussi à cette personne d’endosser le rôle d’employeur, encore appelé « manageur ». Le mot même de « management », issu du secteur de l’entreprise, continue à susciter des inquiétudes dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Pourtant les besoins sont réels. En témoigne ces équipes de salariés de cuma qui fonctionnent sans plus de lien avec les adhérents. « On a cette idée dans l’agriculture qu’il faut fidéliser un salarié en lui fichant la paix, or c’est l’inverse : il faut le fidéliser en s’intéressant à lui », pointe François marque. Préparer un entretien annuel est une bonne manière de commencer à se former au management : ce moment important peut-être mis à profit pour réinstaller la distance juste entre employeur et salarié, mais aussi organiser les travaux et améliorer les conditions de travail des salariés et des adhérents. Un participant notait d’ailleurs que lors des formations dédiées au management en cuma, la moitié des échanges concernent les adhérents.
Salarié autonome ou indépendant? « Parmi les particularités du management agricole, j’ai noté des valeurs assez humanistes, qui passent par le respect de la personne, la bienveillance, ce qui peut entraîner une grande confusion entre indépendance et autonomie. Un salarié indépendant fait son travail seul et ne rend plus de comptes. Tandis que le salarié autonome va faire seul, mais rendre des comptes à son responsable, lequel doit organiser des points réguliers et instaurer le dialogue. » |
Ce qui facilite et ce qui freine… en vidéo
NB: les images qui illustrent cette interview et cet article sont issues des films de la Fédération nationale des cuma « Salariés de cuma, des métiers à découvrir », à voir ici.