Depuis une dizaine d’années, l’idée d’ensiler les épis de maïs progresse dans les cuma intéressées pour augmenter l’activité de leur ensileuse, et donc améliorer leur rentabilité. Michel Seznec (conseiller machinisme référent sur l’ensilage dans le réseau cuma) illustre: «Dans un département comme la Vendée, nous avons déjà quatre cuma qui ont investi pour réaliser cette activité », d’autres groupes travaillent avec un entrepreneur et dans beaucoup de secteurs, des questions se posent. Quand elle s’implante, « l’activité maïs épi à tendance à se développer, dans la cuma et autour.» Exception faite des années difficiles où ils doivent s’appliquer à assurer un volume de fourrage récolté, les éleveurs ont tendance à reconduire d’une année sur l’autre. «Quand ils ont trouvé la bonne organisation, ils en sont contents. Pour eux, le maïs épi est la solution la plus économique pour concentrer l’énergie tirée du maïs.» Au Salon aux champs de Lisieux (2017), «je me souviens d’un panneau où étaient comparés différentes méthodes de récolte du maïs. Il en ressortait que le coût de l’UFL issue de l’ensilage d’épis était de l’ordre de 0,05 €, soit deux fois moins que dans le cas d’un broyage de maïs grain humide.»
8 000 à 15 000 € pour l’interface
Pour les cuma, «c’est toujours la phase de démarrage qui est délicate», note Michel Seznec. Il juge que le plus souvent, la demande pour 30 à 50 ha suffit à lancer l’activité qui nécessite d’investir dans un interface d’adaptation d’un cueilleur sur l’ensileuse. Pour cela, les constructeurs proposent des solutions, compter de l’ordre «de huit à quinze mille euros.» Notamment si le bec est repliable, il peut y avoir aussi des questions de faisceau à étudier pour commander le déploiement de l’organe. Ainsi, selon le contexte dans lequel la cuma a pu élaborer son offre, que le bec serve à la moisson ou soit spécifique pour l’ensilage… la tarification de cette prestation peut inclure un surcoût jusqu’à 50 ou 100€/h par rapport à l’ensilage traditionnel.
Penser intercuma pour une organisation rationalisée
Dans le cas général, la difficulté est de trouver un bec cueilleur. L’achat d’occasion est une solution et il est certain qu’une cuma qui a une activité de récolte du maïs grain, et donc un cueilleur, «et de la demande pour cet ensilage d’épis a tout pour réussir», surtout si le groupe a accès à un parc de plusieurs automotrices, quitte à réfléchir avec des cuma voisines. En s’intercalant entre l’ensilage plante entière et la moisson, l’ensilage d’épis est relativement complémentaire mais il est confortable d’avoir plusieurs machines sur le territoire pour concilier le maïs épi, la plante entière, voire le sorgho, l’herbe… «Le changement d’équipement entre les différentes récoltes peut prendre du temps. Quand une sera équipée pour l’ensilage d’épis, la seconde terminera les chantiers plante entière», illustre Michel Seznec.
Bec, interface et fond de rotor
«Dans un ensilage, les grosses particules gênent le tassage du fourrage. A l’auge, ces morceaux sont ensuite souvent refusés. Cela engendre du gaspillage et décale la ration réelle de la théorique», rappelle Anthony Uijttewaal, ingénieur récolte des fourrages pour Arvalis. Or sans le reste de la plante, «les épis arrivent dans le rotor un peu dans toutes les directions», ce qui pénalise la régularité de coupe et risque d’induire la formation de particules grossières, essentiellement des spathes et de rafles.
Au niveau des réglages, «les opérateurs ne se posent pas trop de questions. Hachage maximal, de 4 ou 7 mm et éclateur serré au maximum», résume Michel Seznec. «L’enjeu est de broyer au maximum le grain», alors que celui-ci est un peu plus dur que dans le cas d’une récolte plante entière. Pour optimiser la qualité de hachage, «il est idéal d’ajouter un équipement de type ‘fond strié’, afin de favoriser le recyclage du flux dans le rotor, poursuit le conseiller machinisme, certains colmatent les trous avec de la mousse pour éviter les pertes de grains.»
De la marge sur la logistique et la puissance
Toutes ces précautions accroissent la puissance sollicitée dans le champ, «mais la puissance de l’ensileuse n’est pas un facteur limitant sur les chantiers d’ensilage d’épis.» Michel Seznec explique: le bec dont disposent les groupes, ou celui qu’ils achètent s’ils doivent investir, «est souvent sous-dimensionné. On trouve assez fréquemment un 6 rangs sur des engins de 450ch, sachant que l’idéal serait alors de prendre au moins 8 rangs de front.» Les chauffeurs ne peuvent pas non plus écraser l’accélérateur en guise de compensation, car «les cueilleurs sont conçus pour travailler sur une moissonneuse-batteuse. Si on va trop vite, c’est le bec qui souffre.» Dans ce contexte de débit restreint, et avec un produit relativement dense, l’ensilage de maïs épi se veut plus léger en logistique que le chantier pour de la plante entière. Au silo, un opérateur seul peut tout à fait assumer la cadence, quant aux remorques, «on peut quasiment diviser par deux leur nombre», s’accordent les experts. Avec ce dispositif allégé, la récolte de maïs épi gagne encore en pertinence si elle est réalisée sur les parcelles les plus éloignées du silo, à condition aussi que ce soit celles où les pieds sont les plus chargés en grains.