Récolter à part les tiges et les feuilles de luzerne apparaîtra sans doute comme une gageure pour bon nombre d’agriculteurs. C’est pourtant le pari osé que porte Eric Junker qui a passé une partie de sa carrière professionnelle dans le monde de l’alimentation animale. Il en présentait les grandes lignes le 31 août, à l’occasion du salon aux champs près de Lisieux.
Luzerne au menu des monogastriques
L’intérêt d’un nutriment composé essentiellement de feuilles de luzerne est sa haute teneur en protéines (27% de MAT/t de MS). L’innovation principale réside surtout dans sa valorisation rendue possible par les monogastriques. Ce qui pourrait représenter une alternative partielle à l’incorporation de tourteaux de soja dans l’aliment composé distribué aux porcs et aux volailles. Cela ne semble pas poser de difficultés particulières au niveau de la digestibilité (satisfaction des besoins en acides aminés essentiels tels que la lysine ou la méthionine). Eric Junker a déjà expérimenté son procédé sur quelques exploitations et est en contact avec des instituts de recherche pour le valider scientifiquement. Les premiers résultats d’essais montrent des performances zootechniques intéressantes: meilleure appétence et croissance de la MS ingérée chez les volailles et les porcs.
Recherche de mécanisation
Ce concept novateur est également en cours d’approfondissement au niveau des méthodes de récolte, de préparation et de stockage. A la fois pour la partie feuillue et la partie fibreuse. Rappel: les organes feuillus représentent la moitié de la MS de la plante entière de luzerne mais 2/3 à 3/4 de la MAT. Et cette teneur est stable avec l’évolution du cycle végétatif (contrairement à la partie tiges). Cette caractéristique permettrait donc davantage de souplesse dans les dates de récolte de cette partie feuilles, sans craindre une baisse de la valeur alimentaire. «A chaque coupe d’1 ha de feuilles, on récolte l’équivalent d’un big-bag d’une tonne de soja à 42% de MAT», affirme Eric Junker.
Des machines spécifiques sont en test (soit attelées à un tracteur, soit devant une ensileuse) pour réussir ce fractionnement de la récolte de la luzerne. Pour la conservation de la partie feuilles, plusieurs voies sont envisagées: le séchage en grange, la déshydratation en bouchons, l’ensilage… Quant aux modes de distribution, ils pourraient, selon Eric Junker, être entièrement mécanisables, aussi bien pour les ruminants que pour les monogastriques.
Cette récolte fractionnée traduit une vision radicalement nouvelle de la valorisation de la luzerne dans l’alimentation animale. Nous aurons probablement l’occasion de revenir sur ce concept en cours d’élaboration. Affaire à suivre.
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