Comment lutter collectivement contre le gel? Le vignoble des alentours de Saint-Emilion a été affecté par une nouvelle gelée printanière au début du mois d’avril 2021. Elle a engendré une perte de récolte parfois considérable pour certains viticulteurs. Les professionnels du secteur s’interrogent sur l’avenir de leur production étant donné la violence et la récurrence de ces phénomènes. En effet, les hivers plus doux et le débourrement plus précoce de la vigne sont autant de facteurs qui aggravent le risque de dégâts. Au-delà de la perte de revenus à court terme, le gel pourrait également affecter la vigueur de la vigne sur le long terme.
Nombreux sont les viticulteurs qui ont tenté de réduire l’impact du gel en allumant des feux de paille ou bien des bougies. La première méthode semble peu efficace et contestée tandis que la seconde demande beaucoup de main-d’œuvre et peu réalisable sur des îlots importants. Le recours à l’assurance est un levier intéressant, mais qui peut avoir ses limites quand la récurrence des gelées est trop élevée (calcul de l’indemnisation sur la moyenne des dernières récoltes).
Accompagner la réflexion
La fédération départementale des cuma et la Chambre d’agriculture de Gironde ont mené conjointement un travail d’animation pour mobiliser les viticulteurs de ce territoire et les accompagner dans leurs réflexions sur la thématique de la lutte contre le gel. Des réunions d’information, mais aussi des journées de démonstration, ont été organisées, comme celle du 16 avril au lycée agro-viticole de Montagne, durant laquelle des constructeurs de tours antigel sont venus exposer leurs matériels.
Une multitude de freins a été soulevée lors de ces réunions. Premièrement, les montants élevés des investissements pour le matériel de lutte contre le gel a découragé plus d’un viticulteur. L’ouverture par FranceAgriMer d’une enveloppe de subventions pour la lutte contre les aléas climatiques, dans le cadre du plan de relance, a été un élément important dans la prise de décision de réaliser ou non l’investissement.
La cuma: solution pertinente pour lutter collectivement contre le gel
Ensuite, le morcellement du parcellaire sur le secteur de Saint-Emilion limite les possibilités de s’équiper, les parcelles étant trop petites pour y implanter une tour. Les cuma ont été rapidement identifiées comme un outil permettant de lever ce frein en investissant dans du matériel partagé, une tour servant à plusieurs viticulteurs voisins, avec un cadre juridique fiable et une répartition des charges équitable au prorata de la surface protégée.
Une animation plus territorialisée a donc été réalisée auprès de petits groupes, aboutissant à la création de la cuma de Bayard sur la commune de Montagne, celle des Eoliennes Pomerolaises sur la commune de Pomerol, et Natgel sur la commune de Saint-Laurent-des-Combes. Au total, une quinzaine de tours devraient être commandées pour ces trois cuma.
Maintenant, l’enjeu est l’acceptabilité des tours. Le vignoble de Saint-Emilion et son paysage étant inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, l’implantation de tours fixes n’est pas autorisée, sauf si elles sont repliables.
Un Giee pour tester des moyens de lutte passive
De ces réflexions sur la lutte contre le gel est né un groupe d’une quinzaine de viticulteurs qui souhaitent aller plus loin. Il devrait évoluer vers un Giee porté par la fdcuma et la Chambre d’agriculture. Plus précisément, la thématique portée par ce groupe sera la lutte passive contre le gel printanier. Une multitude de tests seront réalisés par les viticulteurs intéressés. Par exemples: la taille tardive, la gestion de couverts, l’aménagement de l’environnement de la parcelle, etc. Ces éléments étant peu documentés, beaucoup de questions sont donc pour le moment en suspens quant à l’efficacité de ces méthodes. Même si la lutte passive ne pourra pas remplacer la lutte active face à de fortes gelées, elle pourrait tout de même en réduire l’impact.