Sur les côteaux du Blayais et les côtes de Bourg (Gironde), l’épisode de grêle du 26 mai 2018 a occasionné des dégâts considérables chez certains viticulteurs. Les impacts vont se faire sentir sur deux ou trois années de production. « Certains ont tout perdu. Le réseau Adelfa (association départementale de lutte contre les fléaux atmosphérique) mis en place par le Conseil départemental de la Gironde et la Chambre d’agriculture n’a pas suffisamment fonctionné, en raison notamment d’un maillage insuffisant », estime Jean-François Réaud, fondateur de vignobles Gabriel & co. Ce constat du président de la cuma des vignobles Gabriel, à Saint-Aubin de Blaye, a été le point de départ d’une réflexion pour se doter de moyens complémentaires de lutte contre la grêle.
Particularité: les vignobles Gabriel & co est un négoce fondé sur le principe de coopération avec 34 exploitations partenaires. Le principe repose sur le fait qu’elles conservent leur identité et leur indépendance dans les choix techniques de leur domaine. Elles ne gèrent pas la commercialisation et s’engagent par contrat à une exclusivité envers la société de négoce, qui valorise leur identité en s’occupant de la vente. « Nos viticulteurs partenaires n’étaient pas équipés de moyens anti grêle, ils bénéficiaient comme tout un chacun du système de protection Adelfa avec la cotisation obligatoire », précise Jean-François Réaud. Pour lui, c’est une évidence, il faut envisager d’autres solutions de lutte de prévention contre la grêle. Il tente de convaincre sans succès les interprofessions. Au final, le choix va être fait au sein de la cuma des vignobles Gabriel, mise en place fin 2017 dans le cadre du collectif de vignerons, ce qui permet de mutualiser certains investissements en matériels. L’activité de la coopérative est donc étendue à une protection anti-grêle.
Un choix imposé
En ce début d’année, la cuma a donc contractualisé avec la société Selerys, qui a conçu une solution monitorée capable de déterminer la structure des nuages, de pister les orages de grêle et d’agir en amont de ces derniers, appelée Skydetect. La société fournit deux radars météorologiques de détection de cellules orageuses : l’un est implanté sur la commune de Blaye, le second sur la commune de Bourg.
« Nous avons acheté, via la cuma, une douzaine de postes de tirs de ballons à hydroxyde de sodium, transportables en voiture, et les consommables dont l’hélium », précise Jean-François Réaud. Cet investissement, d’un montant global de 69 500 € HT, ne bénéficie d’aucune aide publique. Cette option a été imposé aux adhérents. « L’assurance est une bonne chose, mais elle ne sécurise pas les récoltes. En réalité, nous n’avons pas laissé le choix à nos partenaires. Il y a eu évidemment quelques grincements de dents, car cet investissement a un coût. Le principe même de notre fonctionnement, c’est la mutualisation, car tous les viticulteurs ont contractualisé la vente de leur récolte. Pour être le plus équitable possible, nous avons instauré une cotisation unique à l’hectare fixée à 70 €/ha HT. La taille des exploitations varie de 10 à 50 ha. Les moyens de lutte contre la grêle figurent désormais dans les contrats sur la prochaine récolte 2019. Au final, nous n’avons aucune défection. Les adhérents se sont rendus compte que le système retenu offre une grosse sécurité pour la production. »
Maillage du territoire
La douzaine de postes de tirs a été répartie chez les vignerons, avec des astreintes en fonction d’un maillage territorial permettant de couvrir la totalité de la circonscription de la cuma, de Saint-Aubin de Blaye jusqu’à Bourg. La société Selerys espère prochainement contractualiser avec d’autres exploitations viticoles de Bourg, ce qui permettrait de couvrir la totalité des appellations Blaye, Côtes de Bordeaux et Côtes de Bourg.
Pour Jean-François Réaud, l’idéal aurait été de convaincre les syndicats de tutelle de Blaye et Bourg d’intégrer ce système au niveau des appellations, et que les cotisations soient forfaitaires. «Il faut voir
dans ces moyens de lutte contre la grêle non une remise en cause du système existant, mais des outils complémentaires.»
Comment ça marche ?
Le système conçu par Selerys, appelé Skydetect, est une solution permettant d’agir en amont des orages de grêle. Comprenant un radar météorologique et un logiciel d’analyse permettant de déterminer le caractère menaçant des cellules orageuses, ce système permet d’avertir les abonnés au service d’un risque d’orage de grêle, par SMS ou courriel, avant l’incident climatique. Ce service de prévision est complété par des outils de lutte contre la grêle : des torches de sels hygroscopiques, attachées à des ballons d’hélium, qui sont lâchées vers le ciel. Un système plus protecteur pour l’environnement car le but est de transformer le nuage de grêle en nuage de pluie. Pour Jean-François Réaud, ce système permet de « mieux appréhender le risque et de mettre en route les moyens de protection de façon plus efficace.»