Avec ce texte « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable » porté par le ministre Stéphane Travert, « l’agrirévolution est en en marche », vante le rapporteur et éleveur Jean-Baptiste Moreau. « Nous allons inverser la construction du prix en partant du coût de revient des agriculteurs. C’est une révolution », a assuré M. Travert dans Le Journal du Dimanche.
Signe de la mobilisation des élus et des lobbies, l’afflux d’amendements (quasiment 2.500) est tel que la durée globale des discussions, jusqu’au mardi suivant, sera limitée à 30 heures entre les sept groupes politiques. Premier volet de la réforme du secteur agroalimentaire promise par l’exécutif, le texte de 18 articles est né dans le sillage des « Etats généraux de l’alimentation » (EGA). Il doit être voté définitivement au plus tard en septembre et être effectif pour les négociations commerciales 2018-2019.
L’objectif est notamment « que cesse une guerre des prix génératrice de destruction de valeur et d’appauvrissement des producteurs », selon le gouvernement.
Le texte mise sur trois leviers: inversion de la construction du prix payé aux agriculteurs, jusqu’à présent déterminé par les distributeurs; encadrement des promotions parallèlement au relèvement du seuil de revente à perte; regroupement des producteurs. Mais « un peu comme Saint-Thomas », Laure de la Raudière (LR) « attend de voir », « dubitative quant à la capacité d’un texte de loi à moraliser les relations commerciales entre agriculteurs, industriels et distributeurs ».
M. Travert a écarté l’idée de voir cette réforme aboutir à une forte hausse des prix pour le consommateur. « Ce que j’entends, c’est que les prix vont gonfler, que l’inflation va être énorme, et ça ce n’est pas vrai », a-t-il assuré dimanche sur France Inter. Il a néanmoins estimé que le consommateur était « prêt à payer quelques centimes de plus » pour se nourrir, « dès lors où il sait que le produit qu’il va acheter va mieux rémunérer les agriculteurs ». Pointant, à l’unisson d’autres groupes, « un décalage entre les attentes considérables exprimées » aux EGA et le projet de loi, les socialistes, qui comptent dans leurs rangs l’ex-ministre Stéphane Le Foll, souhaitent « l’enrichir autant que possible ».
Loi alimentation Assemblée : du bio et des poules
« Il va falloir le muscler (…) le rendre moins libéral », selon Sébastien Jumel (PCF). Outre une « souris législative », François Ruffin (LFI) a épinglé en commission « une contradiction flagrante entre la volonté de réguler un peu ce secteur et le fait de négocier des accords comme le Ceta » (entre l’UE et le Canada) ou avec le Mercosur.
En commission, les députés ont prévu la publication obligatoire des sanctions pour pratiques commerciales déloyales ou des sanctions accrues des groupes agro-alimentaires ne publiant pas leurs comptes annuels, après les cas Lactalis ou Bigard.
De « la fourche à la fourchette », le projet veut aussi promouvoir une alimentation plus saine et durable et un respect du bien-être animal, mais certains, comme LR, s’inquiétent de « nouvelles charges » pour les agriculteurs. Un volet partiellement renforcé en commission, par exemple pour que les repas dans la restauration collective publique comprennent, au plus tard en 2022, au moins 50% de produits bio ou intégrant la préservation environnementale.
En revanche, les députés ont repoussé pour l’heure l’interdiction de la vente d’œufs provenant d’élevages en cage et l’élevage de lapins en cage. Plusieurs camps cherchent à peser dans le débat politique. « Le texte sur la table ne nous convient pas », a prévenu jeudi la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. « Les agriculteurs ont des inquiétudes fortes sur l’efficacité des dispositifs pour améliorer les niveaux de prix » sachant qu' »il y a des vents contraires, notamment des distributeurs », a-t-elle expliqué. D’autant que le texte entraîne pour les agriculteurs « des charges nouvelles » liées aux phytosanitaires, a-t-elle plaidé.
50 organisations de la société civile ont, elles, jugé ce projet « sans grande ambition », notamment sur les phytosanitaires ou la santé environnementale.