Faire partie du paysage: c’est ce sur quoi, paradoxalement, de nombreux agriculteurs doivent faire des efforts. Ne plus être perçus comme «gênants» dans ce paysage, mais bien en être un élément.
«Les non-agriculteurs sont de moins en moins tolérants», constatent les agricultrices de la commission Agricultrices de la Fnsea des Deux-Sèvres. Elles citent cet agriculteur qui n’a pas pu tailler les haies en bordures de parcelles avant de semer: son voisin s’est interposé physiquement parce qu’il ne voulait pas voir les «arbres coupés». Et cet autre qui ne peut plus sortir de chez lui en tracteur: le bip de recul gêne les riverains.
«Cela devient extrême, résume Nathalie Bouteiller, présidente de la commission. Le lien est coupé. Nous souhaitons donc juste ramener du dialogue et rappeler nos façons de travailler.»
Fourches et fourchettes, mais aussi solidarité et santé publique
L’action de la commission a commencé… dans les écoles. En lançant un concours de dessin sur l’école du Tallud, sur le thème «Qu’est-ce que c’est, pour toi, un agriculteur?», les agricultrices ont pu recueillir le ressenti de ces citoyens en herbe. Et au final, la perception est plutôt positive. S’en sont suivies une visite et une dégustation d’agneau sur une exploitation.
«Il s’agit simplement de faire passer des messages qui ne sont plus transmis aujourd’hui, ni à l’école, ni dans les familles, précise Nathalie Bouteiller, faire le lien entre les cultures, l’élevage et l’alimentation.» Des messages ensuite approfondis lors du retour à l’école: le groupe a fait intervenir une diététicienne, pour aller encore au-delà du voyage du champ à l’assiette et montrer les différentes catégories d’aliments, apprendre à équilibrer un repas.
Un travail remarquable, qui permet de dépasser la problématique agricole pour agir, en plus, sur le terrain de l’éducation alimentaire et la santé publique. Dans cette veine, le groupe a, en parallèle, participé aux actions d’enrubannage «rose» qui ont permis à Trioplast de reverser des fonds à la lutte contre le cancer du sein. Les agricultrices se sont également associées au parcours de la marche La Parthenaisienne, en signe de solidarité avec les femmes atteintes de cette pathologie.
Joindre l’agréable à l’utile
Enfin, le 21 octobre, elles ont organisé leur propre événement: une «marche gourmande» qui a réuni plus de 320 participants. Ces derniers ont cheminé avec un guide sur un parcours d’exploitations, ce qui leur a permis de découvrir des exploitations modernes, des animaux heureux et des agriculteurs désireux d’échanger sur leur quotidien. Avec des dégustations et un marché de producteurs, toujours dans l’optique de faire le lien entre pratiques agricoles et création de produits alimentaires de qualité.
Le groupe a travaillé cet automne à la rédaction d’une charte de bonnes pratiques de voisinage, dévoilée lors d’une conférence de la MSA.
Bien dans ses bottes avant tout
Les délégués de la MSA du Poitou organisaient donc le 22 novembre à Parthenay, une conférence intitulée «Changer les regards sur l’agriculture».
Même diagnostic que les agricultrices: ces dernières ont donc pu présenter leur charte régionale des bonnes relations de voisinage (voir encadré ci-dessous) et une «coach» a expliqué aux participants, majoritairement des agriculteurs, comment réagir lors d’une interpellation négative. Une sorte de formation à la communication «de crise».
La conseillère sociale de territoire, Maylène Georges, et la conseillère de la chambre d’agriculture, Céline Sourisseau, ont pu avec leurs témoins axé leur intervention sur la nécessité de travailler sur l’estime de soi, en tant qu’exploitant, et comment faire.
«Au sein de notre commissions (Agricultrices/Fnsea), nous sommes interpellées parce qu’il y a un réel mal-être de certains agriculteurs, parce qu’ils ne peuvent plus pratiquer leur métier», soulignent ainsi Nathalie Bouteiller et Catherine Fréjoux (également administratrice au sein de la MSA Poitou).
Christelle Dupuis, de la MSA Poitou, confirme: «J’ai entendu un témoignage il y a quelques années. Un agriculteur qui se sentait mal du fait du regard des autres. Les non-agriculteurs lui renvoyaient une image négative parce qu’il travaillait le soir ou le week-end. D’où l’importance de travailler sur l’estime de soi. Pour être assez fort pour répondre correctement à ce type d’attaques, il faut aussi se sentir bien et assuré. C’est pourquoi nous organisons régulièrement des actions de prévention sur les risques psychosociaux pour les agriculteurs.»
Une charte de bon voisinage
La commission Agricultrices de la Fnsea travaille à l’élaboration d’une charte pour «mieux se comprendre». Articulée autour de questions simples («Pourquoi…), elle sera illustrée par les dessins des enfants réalisés dans la cadre du concours lancée cette année par la commission auprès des écoles du département des Deux-Sèvres. Et disponible dans les mairies, les écoles, chez les agriculteurs.