Le changement climatique est déjà une réalité dans l’esprit de tous les agriculteurs. Pour évaluer concrètement ses effets, Romane Quintin, chargée de missions à la frcuma des Hauts-de-France, a réalisé une étude. Pendant plusieurs mois de l’année 2022, elle a réalisé différents entretiens auprès d’agriculteurs. Elle nous explique tout.
Quel était le but de cette étude sociologique ?
Pendant six mois, j’ai interviewé un bon nombre d’agriculteurs sur leurs stratégies. L’objectif de cette étude était d’évaluer la manière dont ils s’adaptent au changement climatique. Cela fait suite à une étude qu’a réalisée un autre collègue auparavant. Il avait démontré qu’avec le changement climatique, les fenêtres d’actions étaient plus courtes.
Face à cela, différents leviers ont été formulés. Le surdimensionnement des outils ou le professionnalisme et la technicité des agriculteurs se sont révélés pertinents pour davantage de résilience. Du côté des cuma, j’ai défini une hypothèse que j’ai tenté d’évaluer. En effet, je voulais mettre en lumière l’intérêt d’être en groupe pour mieux s’adapter et être davantage résilient face au changement climatique.
Quelle méthode avez-vous utilisée ?
Pour tenter de vérifier mon hypothèse, j’ai sondé un nombre important d’agriculteurs en cuma. J’ai choisi six cuma dont j’ai interviewé les présidents mais aussi d’autres membres en accord ou en désaccord avec celui-ci. L’idée était ensuite d’avoir une analyse inductive et déductive des affirmations.
Par ailleurs, j’ai tenté de ne pas évoquer le changement climatique mais plutôt les aléas afin de moins biaiser les résultats. En parallèle, j’ai effectué de nombreuses recherches bibliographiques sur le sujet. Pour centrer l’étude, j’ai décidé de ne prendre en compte que le terme d’aléa climatique même s’il est connoté négativement.
Comment les agriculteurs analysent leur résilience face aux aléas climatiques ?
De manière assez pragmatique, finalement. S’ils n’en sont pas conscients, leurs choix passent par quatre étapes.
La première est la perception du risque : la moisson sera compliquée où les céréales sont couchées, par exemple.
La deuxième concerne l’évaluation de ce risque : qu’est-ce que je perds si je n’agis pas, quel est l’impact, quelle est la récurrence.
En troisième étape, il y a l’action ou l’inaction : est-ce que j’investis dans un nouveau matériel, est-ce que je change d’organisation.
Puis, enfin, il y a une phase qui permet d’évaluer son choix.
Quels sont les résultats de votre étude ?
Il y a deux types de résultats. Les premiers sont considérés comme une base de données. J’ai tenté de regrouper en fonction du type d’aléa, la problématique évoquée ou ressentie, l’évaluation du souci, l’action et la rétrospective. Il était parfois difficile de savoir que la problématique émanait du changement climatique.
Par ailleurs, l’étude a mis au jour huit grandes thématiques liées à l’adaptation des agriculteurs face au changement climatique (voir fin d’article). Ce sont des leviers que vont actionner les groupes, inconsciemment, face à un contexte variable. Ces leviers ne peuvent cependant pas être classés.
À quoi vont-ils servir ?
Ces résultats ont pour ambition de donner de la matière aux animateurs des cuma. L’idée est qu’ils soient mieux préparés face aux situations des agriculteurs et qu’ils puissent les conseiller grâce à des « exemples terrains » du réseau. Cela peut permettre de mutualiser les risques et d’être force de proposition sur le sujet.
Quel est votre ressenti sur cette étude ?
Les agriculteurs sont déjà très au fait du changement climatique. Ils le subissent déjà et s’y adaptent très bien. Ils étaient eux-mêmes très surpris de constater qu’ils agissaient déjà. Toutefois, le sujet est très complexe et ils subissent aussi l’inertie.
Le groupe est pour cela une chance car cela permet à certains de tester de nouvelles techniques. Ils y consacrent d’ailleurs souvent du temps et de l’argent. Ces personnes convaincues sont susceptibles d’entraîner ceux qui sont un peu moins partants.
Les huit leviers face au changement climatique
- Avoir une bonne connaissance des règles de gestion d’une cuma, pour facturer plus facilement les chantiers.
- Gérer la cuma par ateliers fonctionnels plutôt que par matériel, pour avoir une gamme plus large selon les besoins agronomiques plutôt que des engagements.
- S’appuyer sur une cuma voisine et ainsi avoir un panel de matériels plus large selon les pics de charges de travail ou lorsque les chantiers sont pressants.
- Avoir des outils personnalisés en fonction des besoins. Créer des plannings ou organisations pour être capable de connaître la demande des adhérents au jour le jour.
- Expérimenter en groupe. Aller en formation ensemble, communiquer pour éviter les erreurs, acheter du matériel performant pour se lancer dans de nouvelles techniques.
- Avoir une capacité financière pour s’adapter au contexte. Et facturer les adhérents selon leurs capacités et s’y adapter.
- Équilibrer l’efficience et les charges du matériel. Pour accélérer le débit de chantier et satisfaire tout le monde.
- Avoir de bonnes relations entre adhérents. Pour pouvoir se solliciter les uns les autres et étendre son réseau de solidarité.
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