Le Cniel, l’interprofession des métiers du lait, a indiqué mercredi que le référentiel qu’il a créé afin que les éleveurs soient rémunérés pour leurs efforts contre le changement climatique en vendant des crédits carbone allait prochainement se voir attribuer un label par le ministère de la Transition écologique.
Le marché du carbone est aujourd’hui inexistant en France, mais la filière a « pris le pari de démarrer tout de suite pour qu’on dise que nous sommes source de solutions avant qu’on ne dise qu’on est mauvais pour l’environnement et qu’on nous taxe », a expliqué Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la fédération des producteurs laitiers, lors d’une conférence de presse.
« Aujourd’hui 9.500 éleveurs sur 57.000 sont entrés dans une démarche de baisse des émissions carbone », le crédit carbone étant « un élément supplémentaire pour la prise de décision des éleveurs » vers des usages plus vertueux pour l’environnement, a déclaré à l’AFP Thierry Geslain, directeur du développement durable du Cniel.
Sur une ferme de vaches laitières moyenne (500.000 litres de lait par an), une réduction des émissions de carbone d’environ 10% reviendra à une économie annuelle de 50 tonnes de CO2. Les recettes des ventes des crédits carbone reviendront aux éleveurs, selon le Cniel.
20% de CO2 d’ici 2025
Avec cette labellisation, qui devrait arriver selon lui dans les jours qui viennent, M. Geslain se sent « plus optimiste » sur le fait que la filière laitière atteindra bien l’objectif qu’elle s’est fixé de réduire de 20% ses émissions de carbone d’ici 2025.
Le référentiel « Label bas carbone » a été créé en novembre 2018 par le ministère de la Transition écologique et pour l’instant, seule la foresterie a été labellisée. Les filières bovines ont développé une méthodologie de calcul de crédit carbone, nommée « Carbon Agri », conforme à ce label.
Il prévoit qu’une entreprise ou une collectivité qui veut compenser sa production de CO2 finance le projet de réduction des émissions de carbone d’un groupement d’éleveurs à travers un contrat sur cinq ans. Le premier versement aura lieu en milieu de projet et le solde sera versé à l’issue des cinq ans, selon la réalisation des objectifs, prévoient les organisateurs.
« Vu le contexte, les entreprises qui souhaitent atteindre la neutralité carbone sont nombreuses et vont chercher à acheter des crédits carbone », selon Jean-Baptiste Dollé, chargé de l’évaluation environnementale à l’institut technique de l’élevage.
Des entreprises comme La Poste, ou des groupes de luxe français se sont déjà montrés intéressés, selon M. Geslain.
pas une manne
« Le prix sera à négocier entre éleveurs et entreprises intéressées. Aujourd’hui la tonne de CO2 se vend sur les marchés internationaux 10 à 15 euros la tonne. Si un éleveur économise 400 tonnes de CO2 cela pourrait donc lui rapporter entre 4.000 et 5.000 euros. C’est un coup de pouce financier mais pas une manne », tempère cependant M. Dollé.
L’institut de l’élevage, en partenariat avec les syndicats agricoles, a fait une expérience à grande échelle, sur 4.000 élevages, pour voir quelles actions avaient un impact sur la baisse des émissions de carbone, ou son captage.
Dix actions ont été identifiées comme le recyclage des déchets, le maintien des prairies et la plantation de haies ou encore l’optimisation de l’alimentation des vaches. Les agriculteurs intéressés font faire un diagnostic de leur installation pour voir quelles solutions seront les plus appropriées pour eux.
Au bout de deux ans d’expérience, les 4.000 exploitations ont vu « les émanations de carbone reculer de 6% alors que les éleveurs n’avaient mis en pratique qu’une à deux solutions chacun », explique M. Geslain.
La filière travaille aujourd’hui à la création de référentiels pour les élevages ovins et caprins pour « inscrire la totalité de la filière des ruminants dans la stratégie bas carbone », a indiqué M. Dollé.