Les risques d’explosion des groupes existent naturellement mais restent contenus, pour l’instant. Ils concernent moins de 5% des groupes selon les fédérations de cuma ayant répondu à notre enquête sur le sujet (à lire dans le prochain numéro Entraid’ de mai 2017, si vous n’êtes pas abonné, cliquez ici). Cependant, les tensions peuvent survenir soudainement en l’absence de liens humains solides. «Parfois, le moindre faux pas et c’est le clash», rapporte un animateur. Il faut compter aussi avec la vacuité des relations humaines: «Désormais, on communique par sms, on ne se parle plus en direct…» Le malaise ambiant dans l’agriculture n’est évidemment pas sans conséquences sur le moral des troupes: «En cas de difficultés, financières en particulier, alors que l’on pourrait croire que le groupe va « se resserrer », on assiste plutôt à des adhérents qui sont moins tolérants. Quand tout va bien, on tolère quelques manquements au règlement intérieur, à l’entretien du matériel, etc. Quand ça va mal, les esprits s’échauffent plus vite et la tolérance diminue. Les adhérents deviennent également plus critiques sur certaines charges (cotisations, compta…).»
Explosion du groupe ou étiolement
Chaque cas diffère. Parfois, ce sont moins des risques d’éclatement violent que d’étiolement progressif qui menacent: baisse d’adhérents, des surfaces, difficulté de renouvellement du matériel ou… des hommes! Ainsi voit-on des cuma fondées par des parents «dont les fils occupent aujourd’hui la présidence, comme un héritage, mais qui n’ont rien à faire à cette place!», juge, amer, un animateur de fédération.
Parfois, ce sont de vieilles «affaires» qui ressurgissent et compliquent le fonctionnement. Ou bien un président qui monopolise le pouvoir… La médiation est plus difficile lorsque l’intervenant extérieur n’est pas informé de ces tensions dans le groupe ou entre personnes. «Il est parfois dur de trouver les arguments pour faire accepter aux administrateurs et/ou aux adhérents qu’il faudrait enfin traiter le problème. Ils font l’autruche!» Le conflit peut aller loin, jusqu’à une remise en cause des engagements. Par contre, on observe, semble-t -il, moins de passion sur d’autres sujets: «marques de matériels, prestige de la fonction…».
Eternel problème de casse
La difficulté à garder le matériel en bon état, à éviter les problèmes de casse, est toujours à l’origine de conflits à répétition. Même si, dans certains groupes, des progrès ont été réalisés: «Par rapport à il y a 25 ans, les cuma savent davantage solutionner les problèmes de casse en appliquant le principe casseur-payeur, grâce à la désignation de responsables capables et mandatés pour distinguer la casse de l’usure. Les artisans-réparateurs font aussi office d’experts pour indiquer si la casse est récente et fait suite à une mauvaise utilisation de l’outil.» Parfois, cette question masque d’autres conflits sous-jacents: «Les problèmes liés à la mauvaise utilisation du matériel peuvent parfois être un prétexte pour « régler » d’autre problèmes privés/familiaux.»
Des sources de conflit externes
En effet, les problèmes de voisinage sont fréquents mais généralement ils sont peu évoqués: «Ils ne mettent pas en péril la vie de la cuma mais empêchent la mise en place de nouveaux projets ou dérèglent le fonctionnement.» L’existence de conflits plus ou moins explosifs s’explique en partie par des problématiques «liées aux personnes, aux relations, à la manière de piloter les groupes». Lors de l’AG, il est important que le conseil d’administration informe et soit clair sur les règles qui ont été définies. La présence d’un animateur peut également être importante pour créer le débat et essayer de faire exprimer les non-dits. Souvent, les adhérents finissent par trouver eux-mêmes la solution au problème posé…
Des impayés plus nombreux
En comparaison des problèmes de casses, les impayés sont un sujet plus compliqué à résoudre, juge un animateur. «Les fédérations doivent parfois se positionner comme de véritables sociétés de recouvrement. Les outils informatiques pour suivre les modalités de recouvrement doivent alors être performants et réactifs. Des partenariats bancaires doivent être possibles pour envisager des médiations tripartites.» Les impayés représentent un risque actuellement important pour une partie des cuma en sachant que 2017 va être encore très compliqué! L’ampleur du problème constitue un phénomène nouveau. Dans certains cuma, il existe un «tampon des fonds propres importants» qui a retardé la crise autour de cette problématique. «Nous mettons en place une généralisation des règlements intérieurs et, ponctuellement, des interventions de médiation», indiquent des fédérations de cuma qui ne négligent pas en parallèle l’aspect prévention. «Parfois, les cuma nous sollicitent quand il est tard pour intervenir… Nous avons des cuma qui ne facturent qu’une seule fois et donnent 4 à 5 mois de délais pour payer!»
Intervenir en amont!
Conforter l’envie de travailler ensemble, de s’engager dans l’organisation et le fonctionnement sont des paris exigeants mais gagnables car dans bien des cas, les conflits proviennent surtout d’un manque de discussion… «Il faudrait réaliser un travail en amont pour que les questions de communication interne du groupe soient vraiment prises au sérieux.» De ce point de vue, le dispositif DiNA peut aider à agir en prévention, «plutôt que d’intervenir quand il y a le feu!»