La finance, l’automobile, l’aéronautique, tous ont fait entendre leur voix depuis le vote en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, soucieux de conserver le meilleur accès possible au marché européen en dépit du « Brexit dur » qui se profile.
L’agriculture, qui pèse moins de 1% de la richesse nationale, s’est faite plus discrète, mais les enjeux n’en sont pas moins importants, en terme économique mais également d’aménagement du territoire dans un Royaume-Uni divisé par le référendum.
« Le Brexit est une énorme occasion à saisir pour l’agriculture, la production alimentaire et pour le Royaume-Uni », résumait fin décembre Meurig Raymond, le président du NFU, le principal syndicat agricole, dans une lettre au gouvernement. « Mais pour réussir, nous devons assurer le meilleur accès possible au marché unique et à une main-d’oeuvre de qualité et fiable », prévenait-il.
Remise en question
Conserver les liens les plus étroits possibles avec l’Europe est le premier défi pour le secteur, qui importe d’Europe deux fois plus de produits agricoles qu’il n’en exporte vers le continent. Au total, 72% des exportations agricoles britanniques sont toutefois réalisées vers l’UE.
La sortie du marché unique risque de remettre en question ces précieux débouchés, puisqu’elle pourrait entraîner la réapparition de tarifs douaniers ou encore des contrôles des produits aux frontières.
Et le Brexit tel qu’envisagé par le Royaume-Uni, à travers un contrôle strict de l’immigration, inquiète également les agriculteurs qui comptent depuis des années sur la main-d’oeuvre peu qualifiée en provenance notamment d’Europe de l’Est, en particulier pour les productions saisonnières, comme les céréales ou l’horticulture.
Sur les près de 480.000 personnes travaillant dans le secteur agricole au Royaume-Uni, autour de 6% étaient nées en dehors du pays, selon des chiffres datant de 2014.
Au-delà de l’accès à l’Europe, le Brexit signifie la fin des subsides européens, perçus depuis des dizaines d’années grâce à la politique agricole commune (PAC), source de revenu quasi-incontournable pour les agriculteurs.
PAC-dépendance ?
En 2015, date des derniers chiffres disponibles, la PAC a permis aux agriculteurs de toucher un peu plus de 3 milliards d’euros, soit environ 55% de leurs revenus totaux.
Sans cette aide, les paysans britanniques risquent de vendre leurs produits à perte sur le marché, ce qui ne manquerait pas d’avoir un impact jusque dans l’assiette des Britanniques dont l’alimentation repose à 62% sur des produits locaux.
Selon le cabinet de conseil Agra Europe, cité par la BBC, sans les subventions européennes, 90% des fermes britanniques pourraient fermer, sans compter le fait que l’arrêt de la PAC risque de faire s’effondrer le prix des terres agricoles dans le pays.
Le gouvernement s’est voulu rassurant en assurant qu’il allait suppléer aux aides de l’UE pour l’agriculture jusqu’en 2020 mais l’incertitude persiste au-delà de cette échéance.
Malgré les défis qui se profilent, le monde agricole estime que le Brexit est une occasion à ne pas rater pour réformer le secteur, certains estimant que la protection européenne a pu être néfaste en termes d’innovation ou de productivité.
L’association Energydesk, qui travaille pour l’ONG Greenpeace, relève même que la PAC a permis à de grands propriétaires terriens, comme un député conservateur ou un prince saoudien, de s’enrichir parfois sans rémunérer les agriculteurs eux-mêmes.
« Le Brexit donne une occasion unique pour revoir la politique agricole. La PAC a été coûteuse et souvent perverse dans ses conséquences », a expliqué récemment dans un article Dieter Helm, économiste à l’Université d’Oxford.
Le problème est qu’aucune solution n’est encore clairement envisagée par les pouvoirs publics, qui devront mettre en place une vraie politique agricole et choisir entre maintenir les aides telles qu’elle existent, vivre sans, ou cibler les projets les plus respectueux de l’environnement.
Pour Giacomo Benedetto, spécialiste des politiques européennes à l’Université de Londres Royal Holloway, les risques sont importants et « l’agriculture de l’après-Brexit va probablement être plus industrielle, intensive et moins protectrice de l’environnement ».
« Cela affectera l’emploi dans les campagnes et la qualité de vie dans les zones rurales », explique-t-il à l’AFP.