S’il vous appartient d’être en désaccord avec notre politique d’approvisionnement lait, celle-ci reste cependant de notre ressort et ne peut en toute hypothèse faire l’objet d’un tel dénigrement. Au regard du contexte général ayant entouré vos déclarations, nous avons pris la décision de mettre un terme à nos relations », peut-on lire sur un courrier envoyé à un des éleveurs, dont l’AFP a obtenu une copie.
Le reportage intitulé « Sérieusement ? Lactalis: le beurre et l’argent du beurre ? » avait été diffusé le 13 octobre dans l’émission « Envoyé Spécial » sur France 2 et mettait en cause le groupe laitier et son PDG, Emmanuel Besnier. « Je ne pensais pas qu’ils oseraient le faire », explique un des producteurs ayant requis l’anonymat, craignant de ne pas retrouver une nouvelle laiterie.
Cinq producteurs sont concernés par cette rupture de contrat, avec préavis de 12 mois. Contacté par l’AFP, le porte-parole de Lactalis, Michel Nalet, a confirmé l’envoi du courrier et expliqué qu’« il n’est pas possible de poursuivre une relation avec des producteurs qui dénigrent » le groupe. Sur les contrats liant Lactalis aux producteurs de lait, il est spécifié que ces derniers ont l’obligation de respecter l’image du groupe, sous peine d’éventuelle rupture de leur contrat, a-t-il rappelé.
Le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll « condamne fermement » la décision de Lactalis, estimant qu’elle « représente un nouveau risque de dissension entre éleveurs et industriels, au moment même où la cohésion est nécessaire pour permettre la compétitivité de la filière ». Il invite le groupe et les éleveurs concernés à saisir le médiateur des relations commerciales agricoles afin de trouver une solution amiable à ce litige.
De son côté la Coordination Rurale (CR) « exprime son soutien total aux éleveurs victimes de cette injustice et appelle Lactalis à revenir sur cette décision, qui jette le discrédit total sur le groupe ». « Les organisations de producteurs (OP) de Lactalis doivent manifester de manière ferme leur soutien à ces éleveurs et dénoncer cette rupture de contrat arbitraire et injuste », ajoute le syndicat. Pour lui, cette affaire « prouve aussi la nécessité de la part des pouvoirs publics de mettre en place très vite une régulation de la production et du marché, seul moyen de rétablir des relations normales entre les producteurs de lait et ceux qui leur achètent ».
Ce même reportage sur France 2 avait fait l’objet d’une plainte de la part de M. Besnier, qui avait dénoncé des « attaques injustifiées », « la diffusion d’une émission uniquement à charge » et une atteinte à sa vie privée en montrant des images de sa résidence, le château du Vallon à Entrammes (Mayenne). Mardi, la cour d’appel d’Angers a jugé que « la diffusion à une heure de grande écoute de l’extrait litigieux (…) puis son maintien en ligne sur le canal de rediffusion Pluzz » était « susceptible de porter atteinte » à la vie privée de M. Besnier. En revanche, elle a débouté le PDG de sa demande d’interdiction de rediffusion par France 2, qui a argué que « le reportage litigieux n’était plus en ligne sur les sites » du groupe « à la date du 26 octobre ».
Rennes, 27 jan 2017 (AFP).