Sans valorisation, pas de motivation. C’est logique. Ça l’est d’autant plus quand les contraintes, elles, sont bien évidentes. Alain Fretay, agriculteur bio installé à la lisière entre Bretagne et Normandie, l’illustre parfaitement. «Il faut savoir qu’à la base, je déteste travailler le bois!» Et pourtant, depuis une dizaine d’années, son système d’élevage laisse une place toujours plus belle à la haie. Cette dernière alimente une chaudière et les caisses de son entreprise. Désormais, «le bois nous fait un peu notre treizième mois», témoigne-t-il le 30 juin à l’occasion du salon Bio360 organisé à Retiers (35).
Des chantiers plus faciles
Pour l’éleveur laitier, l’arrivée du déchiquetage sur le territoire a été un déclic. «Là, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.» En effet, la production de plaquettes propose des chantiers moins pénibles que la production de bûches. Elle reste un moyen d’apporter de la valeur à sa haie. Alain Fretay lui-même en est un exemple. «Si l’on prouve à l’agriculteur qu’il y a de l’argent à se faire, il ne rechignera pas à entretenir sa haie.» Ainsi, une enquête régionale en 2020 identifie que 70% des agriculteurs qui entretiennent leur haie en valorisent aussi la taille, le plus souvent en autoconsommation.
«Les bonnes valorisations consolident la place du bocage dans le système agricole», acquiesce Marc Le Tréïs, responsable du secteur Bois énergie d’Aile. L’utilisation en chauffage reste la principale valorisation des arbres de haie, l’expert note une tendance à la croissance de ces présentations plus pratiques à gérer que le format bûche.
Le label Haie, un outil pour accompagner l’essor
Jusqu’à il y a quelques années, le linéaire de haies avait tendance à l’érosion. Chaque année, la haie bretonne se raccourcissait d’environ 1% entre 1996 et 2008. «Les résultats de l’étude la plus récente restent à consolider», mais la longueur du réseau bocager régional semble se stabiliser désormais. De plus, «il y a une filière qui se structure», se réjouit encore l’animateur du Plan bois énergie Bretagne.
Pour autant, «il reste du travail sur la maîtrise de l’entretien de cette ressource. En effet, la moitié des haies ne présente pas de trace d’entretien et seulement 20% font l’objet d’un entretien raisonné.» À la fois, c’est une demi-bonne nouvelle, dans la mesure où ce constat signifie qu’une grande partie de la ressource actuelle n’est pas encore mobilisée. Les intervenants constatent que la haie qui fonctionne bien, d’une part procure les bénéfices environnementaux attendus de cet élément paysager, d’autre part sécurise la durabilité de la ressource de la biomasse.
Encadrer l’amélioration progressive des pratiques sur la ferme
Ainsi, le Label Haie que présente Pierric Cordouen ambitionne d’accompagner l’amélioration progressive des pratiques dans les parcellaires. «Du bois déchiqueté, c’est facile d’en trouver. Mais du bois de ferme, avec ce label, c’est la garantie pour l’organisme public, ou même pour le particulier, qu’il met en pratique sa volonté de consommer une ressource durable», et à un prix qui ne devra pas être inférieur au coût de production. Les indicateurs du cahier des charges se répartissent sur trois niveaux d’efforts. Le gestionnaire de la haie doit franchir ses paliers sur une période de dix ans. Ils visent la qualité du travail opérationnel. «On va éviter des pratiques dégradantes, comme les coupes à blanc», illustre l’animateur de CBB35. Un autre indicateur, «c’est la réalisation d’un plan de gestion durable de la haie, dans les deux ans après l’entrée dans la démarche.»
Sur sa ferme, Alain Fretay, est «en train de mettre en place le label. Ce dernier remet en avant des pratiques que nos anciens faisaient et que nous avons oubliées», et qui s’avèrent en outre de bon sens. L’agriculteur explique avec du concret. «L’épareuse, nous l’utilisons pour le pied du talus, c’est tout. C’est aussi par goût personnel.» Car le temps gagné avec des outils inappropriés, «on le perd à reprendre le travail.»
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La haie fournit des planches et de l’amendement.