La Safer s’affaire…

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La Safer s’affaire…

Dans un communiqué récent, la fédération des agences immobilières critique les prérogatives élargies des Safer et l’accuse de concurrence déloyale.

Sour le titre ''La Safer s’affaire à ses petites affaires'' la fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) tacle sévèrement la société d’aménagement foncier, dont les activités suscitent régulièrement le courroux. Un point sur les prérogatives des Safer s’impose.

Le 26 février, la Fnaim a publié un communiqué vengeur qui dénonce «une concurrence déloyale au préjudice des notaires et des agences immobilières.» La fédération des agents immobiliers évoque même la «nocivité» de la Safer par rapport au professions immobilières. De leurs côtés, certains propriétaires fonciers et exploitants reprochent aux Safer de porter atteinte au droit sacré de la propriété et à la liberté d’entreprendre. Ces mises en accusation sont l’occasion de revenir sur quelques-unes des pratiques de la société d’aménagement dont les objectifs déclarés sont de «dynamiser l’agriculture en favorisant notamment l’installation de jeunes, mais aussi protéger l’environnement et accompagner le développement local.»

Un quart des surfaces vendues

Les Safer interviennent dans une part significative des transactions foncières. Cela concerne entre 25 à 30% des surfaces agricoles commercialisées par an. Pour ¾ des transactions opérées par l’intermédiaire de la Safer, il s’agit de petites surfaces de moins de 5ha. Les interventions de la Safer se réalisent en majorité à l’amiable. Un propriétaire vendeur sollicite la Safer avec laquelle il signe une promesse de vente. Celle-ci va recueillir les candidatures à l’achat du bien concerné, puis le rétrocéder à l’acheteur retenu parmi les candidats qui se sont manifestés. Dans un second temps, elle va prendre en charge les formalités administratives liée à cette transaction. La rémunération de la Safer est basée sur une commission calculée sur le montant de la transaction et payée par l’acheteur. «Sur le terrain, les agences immobilières ou les offices notariaux experts sur le marché du foncier agricole et susceptibles d’être concurrencés par l’activité des Safer, sont assez peu nombreux», observe un chargé de mission de la société d’aménagement foncier.

Révisions de prix

Lorsque la Safer a connaissance, via les notaires, d’un compromis de vente d’un bien dont le niveau de prix apparait nettement supérieur au prix de marché, elle peut engager une démarche de préemption conformément à sa mission de contrôle du marché foncier agricole. L’enjeu étant de ne pas laisser libre cours à une augmentation effrénée des prix du foncier. Dans ce cas, la Safer propose une «contre-offre de prix» en baisse par rapport aux intentions initiales du propriétaire. La mise en vente est ouverte à tous les candidats intéressés. Comme dans le cas des ventes amiables, l’attribution du bien est déterminée en commission technique (1). Dans cette procédure, le propriétaire reste libre de retirer son bien de la vente.

Remontées du terrain

La limite rencontrée dans la mise en œuvre du droit de préemption pour révision de prix est le manque de remontées du terrain. En principe, un agriculteur référent accompagné éventuellement par d’autres agriculteurs locaux, est chargé de donner un avis sur les projets de mises en vente qui semblent hors clous» par rapport à la qualité réelle du bien (fertilité, présence de réseaux d’irrigation ou de drainage…). Or ce maillage d’interlocuteurs de terrain, assuré par le syndicalisme agricole à l’échelle du canton, donne des signes d’essoufflement (pour certains dossiers, il n’y a plus qu’un seul avis du terrain, voire plus du tout …). Ce phénomène est plus marqué dans certains départements que d’autres. Notons que là où la pression syndicale est plus forte, une forme «d’autorégulation» s’opère pour freiner l’appétit insatiable de certains acquéreurs potentiels et l’appât du gain manifesté par les vendeurs. Cette sensibilité, inégale d’un endroit à l’autre, vis-à-vis de la maîtrise des prix de la terre, expliquerait pour partie les fortes différences de prix du foncier observées d’un département à l’autre.

Arbitrage des candidats…

Dans les ventes opérées, via les Safer, d’exploitations entières dont la mise à prix s’élève à plusieurs centaines de milliers d’euros, le nombre de candidats est généralement modeste. A l’inverse, lorsqu’il s’agit de parcelles indépendantes susceptibles d’être acquises en vue d’un agrandissement par des structures déjà en place, il n’est pas rare de voir plus d’une dizaine de candidats par dossier. En moyenne, on dénombre entre 5 et 6 candidats par dossier. Le choix des attributaires peut soulever des débats tendus en commission technique. Il doit être cohérent avec les missions d’intérêt public assignées à la Safer: installation, réinstallation, maintien des agriculteurs, amélioration parcellaire des exploitations existantes, lutte contre la spéculation foncière…  Les règles de probité et de confidentialité imposées aux membre de la commission interdisent, en principe, tout arrangement déloyal et copinage de circonstance. A noter: lorsqu’il s’agit de candidats investisseurs, ceux-ci doivent respecter les clauses imposées, telles que le maintien du caractère agricole du foncier acheté et sa location via un bail à long terme.

Elargissement des droits de préemption

Depuis un décret de 2016, les Safer peuvent désormais préempter sur les mises en vente d’un bien foncier qui distinguerait d’une part la vente du bien en nue-propriété et d’autre part celle de sa valeur d’usage. Ce type de montage permettait jusqu’ici aux parties prenantes d’échapper au contrôle des Safer. D’autre part, la loi d’avenir de 2014 a donné aux Safer le droit de préemption pour les parts de société, avec une sérieuse limite toutefois: la cession doit concerner 100% des parts. Une faille qui rend possible des agrandissements incontrôlables…

Conseil en droit foncier et en… DPB

Le savoir-faire des Safer leur permet de prodiguer des conseils juridiques en matière de droit foncier. Elles peuvent mettre en garde par exemple les acheteurs, les vendeurs, et leurs locataires éventuels, sur les conditions strictes qui encadrent la commercialisation des droits à paiement de base (DPB). Ceux-ci en effet s’annulent s’ils ne sont pas activés pendant deux années consécutives. D’autre part, il convient de ne pas surestimer la valeur de ces droits à prime, compte-tenu de leur caractère incertain dans le temps. «Ne pas payer les DPB, (qui constituent une composante du prix de vente) plus d’une fois leur valeur à l’hectare» conseille-t-on à la Safer.

Autres vocations

Une  mission d’aménagement rural incombe aussi aux Safer. Celles-ci sont considérées par les agences immobilières comme étant «le premier opérateur de l’artificialisation du foncier.» Que ce soit pour trouver des terres agricoles au bénéfice d’agriculteurs riverains expropriés dans le cadre d’une construction d’intérêt public (ex: ligne LGV), ou préserver des espaces naturels sensibles, leur action est fréquemment l’objet de controverses. Compte-tenu de leur gouvernance à dominante agricole, gageons que les Safer puissent être en situation de solutionner les différents conflits d’usage qui se présentent, sans compromettre, malgré tout, les intérêts du monde agricole…

(1) Les Safer sont organisées à l’échelon régional. Elles fonctionnent en commission départementale, présidée à chaque fois par un agriculteur, qui réunit les syndicats agricoles, la Chambre d’agriculture, la DDT, les départements et la région, la MSA, des représentants des associations de chasse et d’associations environnementales… 

 


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