La table-ronde a permis de confronter le terrain et la recherche.
Le terrain d’abord: Pascal Solon, de la cuma gersoise la Montoise, a porté avec sa cuma l’un des premiers groupement d’employeurs en cuma en 2017. Il emploie aujourd’hui deux salariés, qui travaillent à 50% pour la cuma (conduite et entretien) et sont à 50% de leur temps mis à disposition sur les exploitations de huit adhérents.
Lionel Phillip est président de la cuma de Bourlens la Céréalière (le Lot-et-Garonne) et du groupement d’employeurs de Courbiac, créé en 2005. Il a indiqué que le GE compte aujourd’hui cinq chauffeurs et une secrétaire à mi-temps, un mécanicien et un apprenti depuis le mois de juillet.
Les deux professionnels ont recours à des structures accompagnatrices pour les aspects juridiques et sociaux. Ils décrivent des adhérents de moins en moins enclins à conduire chez les autres faute de temps, et souvent heureux de déléguer la conduite de machines sophistiquées à des chauffeurs expérimentés.
Si Lionel Philip a évoqué la complexité de recruter et surtout fidéliser les salariés en leur offrant des postes attractifs, Pascal Solon a insisté sur la qualité d’entretien, la fiabilité et la meilleure valeur de revente des matériels entretenus par des salariés.
Tableau déstabilisant
Le sociologue François Purseigle a pour sa part dressé un tableau passionnant, mais déstabilisant, de l’état de la délégation des travaux en France.
D’une part, la profession arrive dans le dur, avec une perte massive d’actifs agricoles, notamment en raison de la démographie. “Un agriculteur sur trois n’est pas remplacé, et 75% de ceux qui sont en âge de partir en retraite n’ont pas repéré de successeur”, a-t-il analysé en s’appuyant sur les résultats récents de l’étude Otexa (1.200 structures interrogées dans le Sud-Ouest, résultats recoupés avec les données de la statistique nationale).
Une recomposition des structures, plutôt vers les extrêmes, avec de toutes petites et de très grosses entreprises. Conséquence: la notion de travail change du tout au tout, avec une montée en puissance massive de la délégation, fourni non seulement par les cuma, mais aussi par des coop, des Ceta et surtout des ETA en plein développement.
“Ce n’est pas forcément la main du ‘grand capital’ qui accélère la disparition des exploitations familiales, les logiques patrimoniales, à l’intérieur des familles, jouent aussi beaucoup”, estime le sociologue.
Et le recours à la délégation ne s’explique pas que par une pénurie de main-d’œuvre, la spécialisation, le développement de la performance l’expliquent, par exemple pour se concentrer sur un atelier. En bref, l’agriculture se tertiarise, et la course est engagée.
A lire également: « Landes Béarn Pays Basque: activité au top, vigilance de mise«