Fougères, plantes à graines ou à fleurs, conifères: c’est la première fois que le risque de disparition de l’ensemble de la « flore vasculaire » (qui possède des vaisseaux permettant la circulation de la sève, ce qui exclut les mousses et les algues) est évaluée en métropole selon les critères de la liste rouge de l’Union nationale pour la conservation de la nature (UICN).
Pendant plus de trois ans, 4.982 de ces espèces indigènes sauvages recensées en France ont fait l’objet d’un « examen approfondi » de la part de dizaines de botanistes.
Résultat: 742 espèces, soit 15% d’entre elles, « encourent un risque de disparition », classées menacées ou quasi-menacées, selon le communiqué commun de l’UICN-France, du Muséum national d’Histoire naturelle, de l’Agence française pour la biodiversité et des Conservatoires botaniques nationaux. Et 97 d’entre elles sont endémiques à la métropole française, c’est-à-dire qu’on ne les trouve nulle part ailleurs au monde.
A la base de tous les écosystèmes
« Cela fait plusieurs dizaines d’années qu’on constate la régression de la flore sauvage dans le pays. Ça confirme ce que tout le monde avait ressenti sur le terrain« , indique à l’AFP, Frédéric Hendoux, directeur du Conservatoire botanique national du Bassin parisien.
« Ce qui est inquiétant avec la flore, c’est que les espèces végétales sont à la base de tous les écosystèmes (…). Quand une espèce végétale disparaît, il y a des réactions en chaîne sur le reste du vivant, en particulier les insectes, souvent étroitement liés à certaines espèces », poursuit-il.
Cette première liste rouge de la flore sauvage métropolitaine compte 51 espèces en « danger critique ». Comme la Saxifrage de Gizia endémique du Jura, avec ses fleurs blanches ou jaunâtres à l’odeur musquée, ou le Panicaut vivipare, victime de la disparition des milieux humides du Morbihan où pousse cette petite plante à fleurs bleues.
Une pivoine « vulnérable »
Comme 132 espèces, l’astragale de Marseille, typique des garrigues littorales, est classée « en danger », en raison notamment de la surfréquentation du bord de mer. La pivoine mâle, avec ses fleurs roses remarquables qui fleurissent une semaine par an dans les sous-bois, est elle « vulnérable », en raison notamment de la déforestation.
Au total, 312 espèces sont, comme cette fleur convoitée des collectionneurs, classées « vulnérables ». Et 321 sont « quasi-menacées », comme l’adonis couleur de feu, l’anémone sauvage ou encore la linaire effilée, autrefois répandue dans les champs des Landes et de Gironde mais décimée par les herbicides. Et 24 autres sont d’ores et déjà éteintes ou ont disparu de métropole, comme l’endémique violette de Cry, qui n’a plus été observée depuis 1927.
Responsable: l’homme
Sans surprise, le premier responsable de cette « situation préoccupante » est l’être humain. « Ce taux de régression et de disparition est directement lié aux activités humaines, avec deux grandes causes principales ces dernières décennies: la mutation agricole (…) et la perturbation des milieux naturels par l’urbanisation et l’aménagement du territoire », comme les routes ou les pistes de ski, insiste Frédéric Hendoux.
Les quatre organismes pointent notamment du doigt les zones humides « drainées et asséchées pour l’agriculture ou la construction de nouvelles zones urbaines », la régression des espaces pâturés, les changements de pratiques agricoles ou l’usage des herbicides. Certaines pratiques également mises en cause dans la chute vertigineuse des oiseaux des campagnes.
Quant au changement climatique « il est à craindre » qu’il menace certaines espèces florales, mais ses effets sur la végétation sont encore mal connus à des échelles locales.
Prise de conscience indispensable
Malgré tout, « il est encore possible d’agir », souligne le communiqué, évoquant des espaces protégés ou le développement de banques de semences et de mises en culture de plans. « Mais pour assurer leur succès, ces actions devront s’accompagner d’une prise de conscience de chacun et d’une évolution profonde des pratiques de notre société », insistent les experts.
Le nombre d’espèces menacées n’est en outre pas la seule source d’inquiétude. « C’est un témoin indirect de l’effondrement des populations végétales sur l’ensemble du territoire », commente Frédéric Hendoux. « Certaines sont encore largement répandues mais leur population régresse. »