Efficace, mais pas forcément gagnante à tous les coups. Dans un essai mené en Bretagne (voir encadré), la technique d’une récolte de sarrasin en deux temps était expérimentée sur la moitié d’une parcelle conduite en agriculture biologique. Sur l’autre moitié, le témoin était une récolte « classique“, avec une coupe directe par l’automotrice de récolte. Les bandes de chaque modalité ont été récoltées séparément, pesées en big bag et l’analyse a été complétée notamment par des observations visuelles et la détermination des taux d’humidité.
Il en ressort la confirmation que la technique de la récolte fractionnée se montre efficace pour améliorer le taux d’humidité des livraisons: le sarrasin fauché était en moyenne à 15,8% d’humidité quand la modalité, laissée sur pied jusqu’au passage de la moissonneuse-batteuse, affichait 20,8%. L’impression visuelle confirme les chiffres. Les grains verts se font plus discrets après la fauche de pré-moisson mais elle apporte une nuance: l’hétérogénéité. Entre les tiges du dessus et le cœur de l’andain, un gradient de l’humidité assez important est constaté.
7 points gagnés en 4 jours
Dans la Vienne, les adhérents de la coopérative de la Tricherie passent aussi par une étape de fauche-andainage pour récolter leur sarrasin. «Avec quatre jours de séchage en bonnes conditions, on améliore le taux d’humidité d’environ sept points», relève Baptiste Breton. Le directeur Production et conseil de la coopérative constate l’effet positif sur le salissement des livraisons et sur le coût de séchage.
En revanche, du point de vue économique, l’intérêt a été assez limité cette année. L’été indien et des rendements très décevants, «pas supérieurs à 7 q/ha en moyenne sur les dernières années», sont les principales explications dans la Vienne, tandis que dans l’essai breton, la modalité « fauche puis moisson » ne tire pas son épingle du jeu. Les cinq points de séchage gagnés au champ ne représenteraient qu’une économie de l’ordre de 35 €/ha, face à une charge induite par l’intervention supplémentaire pour la fauche qui se situe aux alentours de 60 €/ha.
Technique à maîtriser
Surtout, le verdict de l’essai est plombé par une perte conséquente de rendement. Alors que la moisson en direct a fourni un volume de 14 q/ha, la récolte après fauche n’a été que de 12 q/ha. Plusieurs facteurs semblent avoir joué en défaveur de cette technique. Sur des zones versées ou mal nivelées, la fauche a été trop basse. Sans chaumes assez longs pour les porter, les andains se sont trouvés plaqués au sol par endroit où ils n’ont pas pu être récupérés en totalité par la moissonneuse.
De plus, leur séchage n’a donc pas été optimal. Un comptage des grains au sol derrière la batteuse a révélé un phénomène d’égrainage remarquable pendant les 8 jours de séchage et/ou au passage de la moissonneuse. En effet, dans les deux cas, c’est une barre de coupe qui a alimenté la batteuse alors qu’un pick-up aurait certainement été plus adéquat dans la configuration « sarrasin en andains ». Du fait des facteurs météo, de la disponibilité du matériel et de l’organisation d’une démonstration, le déclenchement de la fauche est aussi certainement intervenu quelques jours trop tard.
Erwann Touffet que les organisateurs avaient sollicité pour présenter l’engin Equip’agri, confirme le principe: «C’est une machine notamment développée pour le colza. Sur cette culture, on gagne facilement 10 à 15 jours sur la précocité de la moisson par rapport à la méthode classique. Il faut un minimum de 3 jours de sec derrière la fauche. L’idée est de couper le plus haut possible pour avoir un andain léger et bien porté par les chaumes qui laissent circuler l’air en dessous.» Avec des graines plus sèches, la batteuse peine moins à trier «et on laisse moins de graines au sol… Ça fait aussi moins de déchaumage. Il faut regarder au global pour évaluer la technique, sinon, c’est juste un surcoût.»
Tout un panel d’usages
Fabrice Guérin considère aussi la faucheuse andaineuse comme un outil d’avenir. C’est lui qui intervient notamment pour préparer la récolte de producteurs de la Tricherie et depuis l’an dernier, il travaille avec un modèle Honey Bee dont il se montre très satisfait. «Avec celle-ci, on est capable de faire à peu près tout ce qu’on veut, même des cultures basses comme le trèfle porte-graines.» Il constate un effet d’égrainage limité, sous certaines conditions: «Les variétés jouent sûrement, mais il faut surtout anticiper la récolte.» Avec le sarrasin qui se récolte assez tardivement, il confirme plusieurs intérêts de la technique: «On fait mûrir de manière plus homogène les parcelles et on évite de faire monter trop de vert dans les batteuses.»
En plus d’une centaine d’hectares de sarrasin l’an passé, il utilise sa faucheuse andaineuse pour des cultures porte-graines. «C’est un moyen d’anticiper la fin de l’utilisation du Réglone, avec un résultat aussi bon, voire meilleur. Nous avons aussi récolté du soja pour un agriculteur bio qui ne l’aurait pas ramassé autrement.»
D’une manière générale, l’essor des cultures biologiques est l’un des facteurs qui a incité l’entrepreneur à se lancer. «Nous avons aussi des méteils ou des cultures pour la méthanisation qui se développent et pour lesquelles la faucheuse andaineuse est adaptée.» Chez lui, Fabrice Guérin songe même à essayer de raccourcir le cycle de production de céréales. En fauchant l’orge dès 30% d’humidité pour laisser la parcelle mûrir une petite semaine, il espère libérer le sol une quinzaine de jours plus tôt pour favoriser une culture de sarrasin dérobée. Encore un essai à suivre.
Cultures et graines bio Dans le cadre du démarrage d’un projet « cultures et graines bio » porté par la Fdcuma Bretagne Ille-Armor, le Ceta35, Agrobio 35 et la Chambre d’agriculture de Bretagne, un premier test grandeur nature de fauchage andainage de sarrasin était conduit en septembre - octobre dans les parcelles de la ferme de la Rocherais, à Corps-Nuds, avec une journée de démonstration à la clef. |